Roch Voisine : Rocker après tout
Roch Voisine hurle à la lune «Chuis pas un rocker» sur son plus récent album, Confidences. Et si le bon gars le plus adulé de la pop francophone avait toujours (au moins un peu) été un rocker? Enquête.
Roch Voisine pourra prétexter comme il le veut que «ce n’est pas comme si j’avais fait un disque de jazz fusion», la pièce-fleuve de 14 minutes dans laquelle culmine Confidences, son plus récent album paru cet automne, ne ressemble pas moins à une tentative d’attentat sur son image très policée de simple chanteur de pomme. Émaillée d’interludes orchestraux et de confessions d’une soufflante franchise du type «J’ai pas demandé à venir au monde / Pour trois minutes quelques secondes / Le temps d’une chanson trop usée / Accrochée à vos passés», cette étonnante chevauchée baptisée Le chemin dépeint le jeune cinquantenaire en passager hyper lucide de la montagne russe du show-business, du genre à qui l’on n’apprendra pas que son nom rimera peut-être jusqu’à la fin des temps, pour le meilleur et pour le pire, avec ballade tire-larmes dans l’imaginaire collectif. Autrement dit, personne n’est plus conscient de la réputation (assumée, voire revendiquée) de bon gars qui colle au cul de Roch Voisine que Roch Voisine. «On fait difficilement le tour d’un personnage en écoutant les extraits qui jouent à la radio, c’est surtout ce que je voulais expliquer. Le grand public se fait rapidement une idée de ce que tu es, de ce qu’il veut de toi. L’artiste a toujours un peu l’impression de ne pas être complètement compris», observe-t-il lors d’un généreux entretien téléphonique, en marge de sa tournée Confidences, annoncée comme une rétrospective de tout son catalogue, d’Hélène aux reprises country d’Americana en passant par La légende d’Oochigeas.
La deuxième partie du Chemin, intitulée Chuis pas un rocker, révèle pour sa part un réel ironiste et un amateur de riffs pesants (ça torche pour vrai!), deux facettes de la personnalité de Voisine qui étaient jusqu’ici demeurées confinées à sa vie privée. «Je suis très pince-sans-rire. J’ai souvent écrit des textes qui en surface voulaient dire une chose et qui en dessous recèlent des messages cachés, assure-t-il. Maintenant, il faut se donner la peine de les découvrir, je ne vais pas les souligner à gros traits. Chuis pas un rocker, c’est un peu la chanson de l’absurde, c’est un pied de nez. Je crie haut et fort ce que tout le monde pense, que je ne suis pas un rocker, en montrant que dans le fond je suis capable d’ouvrir la machine.»
Pas un rocker? En sommes-nous si sûr? Qu’en est-il du Roch Voisine qui fracasse une guitare contre un mur de briques dans le délicieusement mélodramatique vidéoclip Pourtant? Qu’en est-il du Roch Voisine en perfecto, coiffé à la James Dean, devant lequel les filles n’en pouvaient plus de ne plus se pouvoir? Qu’en est-il du Roch Voisine faiseur de refrains fédérateurs comme Darlin’, un indémodable hit de karaoké au sujet duquel il dira: «C’est ma stadium song à la Bon Jovi. On peut peser pas mal sur la guitare électrique. Ça reste à ce jour une chanson que j’adore faire»? N’étaient-ils pas tous un peu rocker à leur manière?
Le principal intéressé rigole en nous écoutant déballer notre petite théorie. «Oui, je l’ai toujours fait un peu, mais je n’ai jamais eu hors scène la vie d’un rocker. Ce qu’il faut dire par exemple, c’est que rocker, ce n’est pas seulement prendre de la drogue, courir après les filles, se coucher tard et casser des vitres. J’ai toujours aimé cette musique-là, mes artistes préférés quand j’étais jeune, c’était AC/DC ou des groupes progressifs comme Triumvirat. On a essayé de faire le tour avec Le chemin de tout ce j’aime musicalement. C’est beaucoup plus varié que ce que les petites chansons à la guitare, celles que les gens ont beaucoup appréciées et qui restent mes grands succès, pouvaient permettre de croire.»
«L’anti-bum du quartier» autoproclamé, celui qui hurle «J’aurais pu attiser le feu / Qui déjà brûlait dans tes yeux / Dire des choses qui choquent, qui dérangent / […] Et simplement dire oui / À toutes mes envies», ne regrette donc pas d’avoir marché en ligne droite, de ne pas avoir causé d’esclandres et de ne pas s’être pointé au bras de filles de mauvaise vie sur les tapis rouges. «Il y a des lois non écrites dans ce métier-là. Je m’en souviendrai toujours, Pierre Lalonde, après l’enregistrement d’une émission de télé à mes débuts, m’avait donné un coup de coude et m’avait dit: “Tu vois les petites filles en avant du stage? Je vais te donner un conseil mon homme, il faut qu’elles restent en avant du stage.” En fin de compte, il me disait: “Va pas là!” J’étais un peu innocent, je n’avais pas songé à ça du tout, mais ça m’a frappé. C’est une phrase que je n’ai jamais oubliée.»
De toute façon, outre le triste Gene Simmons de Kiss, qui croit vraiment que la valeur d’un rocker se mesure au nombre de groupies qu’il a connues bibliquement?
Verdict: Roch Voisine est un rocker.