Serena Ryder : À tue-tête
En plein cœur d’une tournée canadienne dont la grande majorité de ses dates affichent complet, la Torontoise Serena Ryder connaît un succès populaire retentissant. Tant mieux pour elle, qui voit en la musique de sa quatrième offrande Harmony, ses compos les plus sincères en carrière.
«Je sais, c’est fou!» s’esclaffe Serena Ryder quand Voir mentionne les nominations au prochain gala des prix Juno qu’elle vient tout juste de récolter quelques heures plus tôt. On s’attendait à la mention Best adult alternative album pour Harmony, mais à Best single? «Pas vraiment! C’est ce qui me fait vraiment capoter.»
Ce succès, Ryder le doit en grande partie à Stompa, premier single issu de Harmony. Une chanson qui débute avec une intro intrigante rappelant les Shirley Bassey et autres «torch chanteuses» (une certaine Adele vient rapidement à l’esprit), puis qui bâtit son accroche autour d’une rythmique puissante et de paroles simples. Simples, mais efficaces. «C’est la première chanson qui a été écrite pour Harmony. Un baume de musique avec un texte qui parle de la beauté de la musique. Son pouvoir si transcendant. Quand j’ai écrit les premiers mots, la rythmique s’est rapidement imposée et la chanson m’a vite donné le goût de danser. J’ai su à ce moment que je tenais quelque chose de particulier.»
La chanson, qui caracole dans le top 10 chez le monstre numérique iTunes depuis maintenant plusieurs semaines, se révèle une jolie trame sonore pour ce que la chanteuse considère comme LA percée majeure dans sa carrière. «Appelle ça un breakthrough ou pas, moi je considère ce succès comme le reflet parfait de là où je suis dans ma carrière: au meilleur endroit possible.»
La voix
Enregistré en grande partie à Toronto avec le réalisateur Jon Levine (K’Naan, Nelly Furtado), Harmony diffère sur plusieurs plans du précédent Is It O.K. (2008, sacré Best adult alternative album aux prix Juno 2009). Constat initial: la voix est à l’avant-plan, titanesque et charnue. «Harmony est un album de chanteuse, beaucoup plus qu’un album d’auteure-compositrice, affirme Ryder. Quand j’ai commencé à écrire des chansons, c’est à la guitare que je l’ai fait. Nécessairement, les mélodies qui sortaient de ma guitare ressemblaient quelque peu à celles de Ben Harper, Neil Young ou Tracy Chapman, parce que c’est avec eux que j’ai appris à jouer de cet instrument. J’ai commencé à chanter à 2 ans, par contre. À l’époque, ce qui jouait à la maison, c’était beaucoup la radio AM. Donc, les chanteuses comme Nina Simone, Ella Fitzgerald, Mariah Carey. Et pour cet album, j’ai décidé de laisser tomber la guitare pour libérer ma voix du carcan folk.»
Cela a donné lieu à un album résolument rassembleur – qui connaîtra une vie aux États-Unis, la chanteuse venant tout juste de signer un contrat avec le label Capitol –, sans toutefois être trop populiste, qui recoupe joliment les influences susmentionnées et qui, du coup, permet à Ryder de tapisser mur à mur les chansons de son instrument vocal. C’est le cas dans For You, qui s’articule sur un échantillonnage d’I Put a Spell on You chantée par Nina Simone. «C’est Levine qui m’est arrivé avec la chanson qu’il avait bidouillée avec moi en tête. Sa musique était tellement chouette que les paroles me sont venues instantanément. Jon est un organiste et claviériste hors pair; j’ai donc pu laisser la guitare de côté et me concentrer sur la livraison de ces mégachansons.»
La vie de couple
Sur scène, les chansons colossales et sautillantes de Harmony donnent lieu à des prouesses vocales qui feraient rougir d’envie la majorité des starlettes pop au registre limité du moment. Ryder prend son pied plus que jamais: «Quand tu crées une relation avec les chansons, c’est comme si tu finissais par sortir avec chacune d’entre elles. Elles t’habitent. Tu vas prendre un café avec elles. En spectacle, ces liens se voient magnifiés par l’éclairage, la sono. Tu dois le sentir et le public va le ressentir. C’est inévitable.»
La chanteuse voudrait-elle un jour rompre avec l’une de ses chansons? Elle répond, en guise de conclusion: «Oui, mais on renoue rapidement. La relation évolue, comme un grand mariage. Les chansons changent et deviennent de nouvelles personnes. Comme dans la vie. Nous changeons tous.»