Habib Koité et Eric Bibb : Frères hors de Bamako
Musique

Habib Koité et Eric Bibb : Frères hors de Bamako

Leur première collaboration Brothers in Bamako, enregistrée il y a 13 mois au Mali, est la symbiose parfaite entre deux bluesmans d’horizons différents. Maintenant, le monde est à eux.

«Partout, l’album semble avoir été bien accueilli», explique Habib Koité au téléphone depuis sa chambre d’hôtel à Vancouver où les musiciens jouent ce soir. Car ils jouent chaque soir, Eric Bibb et lui, avec l’accompagnement discret mais combien efficace – comme sur le disque – du percussionniste Mamadou Koné; juste parfait. L’équipe est complétée par un Québécois, l’excellent Daniel Boivin, qui fait office de gérant de tournée et d’ingénieur du son. C’est d’ailleurs lui qui a enregistré l’album dans une chambre de l’hôtel Nord-Sud à Bamako. «C’est vraiment un ami, précise le Mandingue avec une joie manifeste. On se connaît depuis 20 ans!»

Tout se place ainsi, simplement, chez ces gens-là. Simple et vrai. Habib explique que l’album maintient des ventes stables depuis sa sortie. Il semble heureux de cet engouement, mais ne manifeste pas la moindre vantardise. Quand je lui dis que ces échos et ces mille et un concerts depuis des mois sont la route longue et tranquille vers les prix Grammy, l’année prochaine, il rit, presque gêné, et me dit: «Tu crois ça? Je n’en ai aucune idée. Je ne connais pas du tout leurs critères…»

Ce répertoire, c’est l’équilibre parfait. Blues et folk en anglais, en bambara, et pièces instrumentales. «Sur scène, on fait l’intégrale du disque, avec des arrangements parfois différents. Puis chacun a une partie solo sans que les autres quittent l’espace. C’est la partie où l’on improvise.»

Car quiconque les écoute devient meilleur. Ces gars-là jouent pour la paix. Et le Mali en a bien besoin en ce moment. Après le coup d’État, l’invasion, dans le Nord, des islamistes qui veulent instaurer la charia, l’intervention de l’armée française, on croyait la capitale sous tension, sinon à feu et à sang. Koité nous rassure: il n’en est rien, le calme est revenu même si la télé s’acharne à nous montrer des avions qui décollent et un pays en guerre. Mais il chante dans la chanson d’Eric, son frère d’Amérique, «Tombouctou, puits de l’espoir» par respect pour la cité profanée, à la frontière du désert.

«Les soldats prennent les armes, les diplomates prennent la parole, les musiciens, eux, prennent leurs instruments, ils chantent, ils témoignent… Chacun joue son rôle.»

Bien dit, l’ami!