Jerusalem in My Heart : Chemin de croix
Musique

Jerusalem in My Heart : Chemin de croix

Huit ans après sa création, le projet expérimental montréalais Jerusalem in My Heart dévoile sa réalisation la plus inattendue à ce jour: un premier album.

Depuis près d’une décennie, Radwan Ghazi Moumneh et ses collègues se distinguent en multipliant les happenings aussi volatils qu’artistiques où les musiques du monde contemporaines s’amalgament à des projections tenant autant du septième art que du premier, tout en résistant à la documentation… jusqu’à ce jour. «C’est un concept qui demeurait un peu abstrait pour nous, et nous ne sommes pas encore certains de ce que ça implique», lance d’emblée le musicien, amusé, avant d’ajouter: «Et on ne le saura que ce vendredi!»

Pourtant réalisateur et copropriétaire du fameux Hotel2Tango, studio désormais mythique où Arcade Fire, Cœur de pirate et Wolf Parade ont notamment capté des pièces, Moumneh voit l’exercice de l’enregistrement de son premier disque – Mo7it Al-Mo7it – à titre d’artiste comme un compromis. «Après un certain moment, on voulait commencer à emmener le projet en tournée, mais très vite on s’est rendu compte que les mécanismes de l’industrie font en sorte que c’est très difficile, voire impossible, de s’y insérer sans disque», fait-il valoir avant de glisser, fier, que «justement, dès l’annonce de l’album à venir, beaucoup d’agences nous ont contactés. On a déjà des tournées nord-africaines et européennes de “bookées”!»

Danser sur de l’architecture

Une nuance s’impose toutefois: Mo7it Al-Mo7it ne se veut qu’un infime volet de l’expérience Jerusalem in My Heart, selon le principal intéressé. Bien que l’esthétique de l’œuvre – réalisée en compagnie de sa collègue, artiste visuelle et cinéaste Malena Szlam Salazar – demeure poussée, Radwan martèle qu’on évoque davantage qu’on émule les concerts événementiels du trio complété par le Français Jérémie Régnier. «Nos performances tiennent du show architectural, explique-t-il. Elles impliquent plusieurs projecteurs 16mm ainsi que plusieurs écrans qui découpent l’espace.» D’où le fait que le disque n’est pas accompagné d’un supplément vidéo, justement. «Rendre un truc multidimensionnel sur un écran d’ordinateur ou de télé serait plus dommageable, à mon avis. On préfère dire aux gens: “Venez vivre l’expérience!”»

En plus de s’émanciper de certains clichés collant toujours à leur genre de prédilection – «On voulait s’éloigner des projets de musique contemporaine qui se contentent d’utiliser le visuel comme décor. Vous savez, un background un peu psychédélique, un peu esthétique, mais rarement lié à la conceptualisation de ce que l’on voit et entend» –, Radwan en a profité pour faire fi de ses propres réflexes. «J’habite à même pas 30 secondes du studio et… j’ai quand même enregistré l’album chez moi, dans ma cuisine! Je me levais très tôt, vers 4h du matin, pour bosser sur le projet, car j’avais déjà beaucoup de trucs là-bas. Je ne voulais pas faire ce que je fais habituellement à l’Hotel2Tango pour la musique des autres. Je désirais capter ce que j’avais en tête.» Et est-ce que le réalisateur est satisfait du travail de l’artiste? «Je crois que c’est assez réussi. C’est une introduction assez particulière!»

 

Mo7it Al-Mo7it

(Constellation Records)

Disponible le 19 mars

Lancement 

Le vendredi 15 mars

Au National