Plants and Animals : Cœurs de truckeurs
Lors d’une conversation morcelée où la communication est sans cesse rompue, Nic Basque du groupe Plants and Animals fait la démonstration par l’exemple de la difficulté d’entretenir les rapports à distance pour un groupe rock.
Rompant avec le caractère expansif de ses deux premiers essais (Parc Avenue et La La Land), le trio montréalais Plants and Animals (Warren Spicer, Nic Basque et Matthew Woody Woodley) allait contre ses habitudes l’année dernière avec The End of That. Dépouillé, prenant appui sur une guitare acoustique rythmique et une autre, électrique, qui traverse le décor musical comme la foudre, ce troisième album du groupe est aussi un brutal constat: pendant que les rockeurs poursuivent leur rêve, la vie des autres continue.
Comme pour illustrer la difficulté des rapports à distance, notre conversation avec le bassiste et guitariste Nic Basque ne cesse d’être interrompue, le signal numérique de son téléphone portable fléchissant au cœur des vastes forêts du nord de l’Ontario.
Prise un. Après les politesses d’usage, le journaliste s’enquiert de la santé mentale du groupe qui vit dans sa van depuis deux semaines, obliquant vers les difficultés de marier sur scène le matériel très éclaté du répertoire de Plants and Animals avec les pièces aux structures faméliques et aux propos plus sombres du petit dernier. «C’est certain qu’il y a des chansons qui s’y prêtent mieux que d’autres, convient Basque, comme Lightshow, qui fait le pont, mais en général, The End of That est très simple, plus près de ce qu’on fait en spectacle normalement. Donc, on parvient à agencer l’ensemble du matériel tout en gardant une certaine cohésion… Mais déjà, annonce-t-il, nos nouvelles compositions renouent avec le côté plus éclaté des autres disques…» Friture… Allo? Nous sommes coupés.
Prise deux. La communication est rompue avant même que nous ayons échangé un mot.
Prise trois, au cours de laquelle Basque revient avec nous sur les textes de The End of That, et sur la difficulté de réconcilier le désir de stabilité et le mode de vie du musicien. «En vieillissant, ce qui finit par manquer le plus, c’est la présence physique de ceux qu’on aime. Entretenir une relation…» Trou noir sonore, les forêts ontariennes ont encore eu raison de notre conversation.
Prise quatre, où nous reprenons où nous avions laissé: «On parvient à tout concilier, mais on s’arrange pour faire des tournées assez courtes. Reste qu’on a des vies coupées en morceaux. Tu le vois aujourd’hui: quand tu es au milieu de la forêt, tu espères ne pas avoir trop de problèmes à régler. En tournée, c’est une vie orientée vers les concerts. Le reste, ce sont de longues heures de route entre chaque endroit, et à la maison, c’est l’intensité des moments passés avec ceux vers lesquels on revient. On est un peu comme des truckeurs, finalement.»