Boogat : Citoyen du monde
Avec El Dorado Sunset, son premier album «officiel» en espagnol, Boogat renouvelle, du même coup, son passeport musical.
Forte de trois disques francophones, une poignée de maxis et de nombreuses collaborations dans les langues de Molière, Shakespeare et Cervantès, la discographie de Boogat compte finalement un premier album complet en espagnol. «Ça a adonné comme ça», tranche le MC en revenant sur sa transition vers le rap latin, un choix qui s’est fait en collaboration avec le beatmaker Poirier, co-réalisateur d’El Dorado Sunset. «En 2010, il m’a demandé de faire une track en espagnol – Kalima Shop Titi – avec lui, qui est sortie sous la petite étiquette argentine Zizek Records», se rappelle-t-il. «Eh bien, avec une seule chanson en espagnol, sur un label nébuleux, dans un pays à l’autre bout de la planète, j’ai eu plus de press qu’avec trois albums chantés en français! C’est là que je me suis dit: “O.K., alors!”»
DJ… et psychologue
Comme son sous-titre l’indique – El Gran Baile de las Identidades (Le grand bal des identités) –, El Dorado Sunset poursuit la quête identitaire qui tapisse l’œuvre de Boogat, sans en faire le sujet de prédilection de cette parution. «J’y aborde aussi l’amour, la migration et le nightlife», glisse Boogat, avant de s’étendre sur ce dernier point. «À force de côtoyer Poirier, je me suis rendu compte que les bons DJ sont ceux qui font de la “psychologie interactive”», s’exclame le rappeur. Un peu plus tard, il expliquera que «lors de soirées qu’on faisait ensemble, il lui arrivait de me dire: “Checke la réaction de la foule à la prochaine chanson” et il n’enchaînait pas avec le hit du moment, il y allait avec un truc vraiment méconnu et la crowd devenait malade mentale quand même»! Une réaction en chaîne que le duo cherche à reproduire en studio depuis.
«C’est pour ça que ma musique est maintenant plus orientée vers la scène», poursuit Boogat, faisant valoir que plus une pièce est grandiloquente, plus elle risque d’ankyloser une performance, voire une tournée entière – «tu ne peux pas traîner un piano en tournée juste pour une track!», justifie-t-il tout en pointant qu’El Dorado Sunset lui servira de ticket pour les États-Unis et, potentiellement, pour l’Europe aussi. «De bonnes tounes, c’est de bonnes tounes live», résume l’artiste. «Pourquoi ça demeure si bon, les Beatles? Parce que c’était malade, live!»
Un bon plan
El Dorado Sunset compte également sur la participation d’une brochette étonnante de musiciens éclatés locaux (Kid Koala et Serge Nakauchi Pelletier de Pawa Up First, pour ne nommer que ceux-là) et internationaux (comme Lido Pimienta), des partenaires de choix rencontrés au fil des collaborations et voyages. Il en résulte une œuvre à l’image de l’artiste et de sa ville d’adoption. «En étant trilingue et en habitant Montréal, j’ai eu accès aux raps francophone, anglophone et latino, que j’ai analysés puis assimilés. Ça me donne des tounes malades!» lance-t-il fièrement, pour ensuite se faire plus humble. «La durée de vie d’un disque étant d’un an si ça va bien, deux ans si ça va super bien et six mois si ça va mal, je fais la moyenne et je prévois lancer un autre CD dans un an. On est donc déjà en studio à travailler de nouvelles pièces!»