Paul Cargnello : Au nom du père et du fils
C’est avec son fils sur un genou et sa guitare sur l’autre que Paul Cargnello a créé son nouvel album. Appelez-le Papa Paul.
Ne cherchez pas de comptines gnangnan ou de pamphlets pro-couches réutilisables sur Papa Paul, neuvième album (plus ou moins, dépendamment des décomptes) de l’insoumis de la chanson québécoise mondialisante. «Je l’ai enregistré dans mon duplex pendant l’année que j’ai prise, à la maison, avec mon fils de quatre ans. Tout le monde me disait que ça allait être impossible d’écrire et de composer avec un enfant autour, et c’est faux. C’est drôle parce que quand tu joues beaucoup de musique avec un enfant dès sa naissance, il devient habitué», assure Cargnello. «J’ai fait 30-40 démos avec mon fils à côté de moi. Si tu écoutes au casque, tu peux l’entendre babiller, ronfler, crier [ou plus distinctement tenter de chanter sur Oh Jo, le band est à toi]. Il y a vraiment beaucoup de bruits de ma maison sur cet album. C’est que toutes ces chansons ne devaient être que des démos, c’est pour ça que je joue de presque tous les instruments. Chaque fois que je les présentais à une maison de disques, on me disait: "Wow, elles sont prêtes à paraître telles quelles."»
Comme pour rassurer ses fans que la paternité ne l’a pas changé en conducteur de minivan bedonnant, Cargnello démarre la pédale au plancher avec All My Heroes, un des deux seuls textes dans la langue de Joe Strummer, gros blues-rock bourbeux à la Jack White célébrant la faillibilité des grandes figures. «J’aime cette idée que même mes héros avaient des défauts. Ça enlève un poids sur les épaules, ça autorise à tenter de suivre leurs pas. C’est une leçon que j’aimerais passer à la prochaine génération. Même chose pour Ayiti Kimbé ["Haïti, tiens bon", en créole], qui parle de mes valeurs politiques, du tiers-monde que j’ai à coeur. J’ai aussi choisi deux vieilles chansons haïtiennes, Pov’ peti’ mamzelle Zizi et Zozo mokeur, en l’honneur de mes amis haïtiens. Ce sont des chansons pour enfants qui traitent pourtant de la mort et d’autres thèmes sombres.»
Cynisme assumé
«Un politicien qui ne sert à rien / Un politicien qui ne sert à rien», scande l’indécrottable punk sur la péremptoire Politicien, s’abandonnant comme il n’en a pas l’habitude à un cynisme sans nuance. «C’est absolument un cliché, mais ce n’est pas un cliché pour rien, se défend-il. Ça fait longtemps que je parle de politique en me prenant un peu trop au sérieux. J’ai décidé de faire une chanson, oui, un peu plus cynique et un peu plus drôle. C’est une expression de ma frustration. Je l’ai composée pendant le déversement de pétrole dans le golfe du Mexique. Je pensais aussi aux politiciens de mon quartier, NDG [à Montréal], qui semblent convaincus que les graffitis comptent parmi nos plus grands problèmes.»
Résolument tourné vers l’avenir, Papa Paul aura néanmoins permis à Cargnello de renouer avec de vieux potes. «La police a frappé à ma porte deux fois, en plein après-midi, pendant que j’enregistrais la batterie. Des voisins s’étaient plaints», raconte, amusé, celui qui ne s’est pas toujours satisfait de livrer bataille à la maudite machine derrière sa six cordes. «Les policiers avaient quoi, 19, 20 ans? Des enfants qui viennent gronder un vieil homme de 33 ans… Au moins, ils n’étaient pas aussi chiens que les riot cops qui m’arrêtaient dans ma jeunesse.»