Journée des disquaires 2013 : Même pas morts!
Musique

Journée des disquaires 2013 : Même pas morts!

Tour d’horizon d’artisans locaux à l’occasion de la sixième Journée annuelle des disquaires.

Initiative lancée en 2007 par le producteur de disques Michael Kurtz et Chris Brown, employé de la boutique Bull Moose Music à Portland, dans l’État du Maine, le Record Store Day (la Journée des disquaires) se voulait une journée thématique pour célébrer les disquaires et, par la bande, stimuler leurs ventes. Alors que la boutique de Brown se portait bien, l’industrie, elle, battait tout particulièrement de l’aile. Comme le rappelle Forbes, les ventes annuelles de microsillons ont chuté sous le million, et des monuments, comme la chaîne américaine Tower Records, ont fait banqueroute.

Dès la première édition en 2008, l’engouement est de taille: 250 établissements d’un peu partout s’annexent au mouvement, alors que des artistes de la trempe de Metallica et Billy Bragg se produisent chez des disquaires des deux côtés de l’Atlantique. Des groupes comme R.E.M. et Vampire Weekend offrent également des parutions dévoilées exclusivement pour l’occasion. «L’idée de départ de la Journée des disquaires était d’attirer des clients aux magasins», commente Luc Bérard de L’Oblique. «Mais, rapidement, les majors s’y sont jointes en fournissant des parutions que, personnellement, je trouve mercantiles. Je préfère voir cette journée comme une fête.»

En 2012, on cumulait 300 produits spéciaux écoulés dans 1700 magasins se joignant à la fête. Les ventes de musique, elles, étaient à la hausse, une première depuis 1999. Idem pour la consommation de vinyles qui, comme le rapporte le Washington Post, a atteint un sommet insurpassé depuis 1997 alors que 171 M$ ont été dépensés chez des disquaires vendant le format autour du globe. Tout n’est pas au beau fixe, par contre: la fermeture de Primitive à Montréal ou encore de Fréquences à Granby en témoigne, tout comme la situation actuelle du géant HMV. «J’ai parfois l’impression qu’il y a eu une épuration, que la plupart des disquaires qui étaient là pour faire de l’argent, comme s’ils vendaient des cannes de soupe, se sont retirés», lance Jean-François Tétreault, disquaire au Fréquences à Saint-Hyacinthe, en abordant la banqueroute des grandes chaînes. «Pour demeurer, il faut absolument être passionné. On annonce une période catastrophique pour les disquaires, mais moi, au contraire, je la trouve très intéressante.» Ainsi, la situation demeure trouble, certes, mais elle est surtout charnière, alors que l’industrie musicale considère de moins en moins le Web comme une menace, mais bien comme un outil.

«On a refait notre site Web. Un travail d’un an et demi. C’est sûr que ce sont des dépenses supplémentaires, mais il le fallait. Il faut aussi vendre en ligne maintenant», martèle Tétreault, ajoutant qu’il compte désormais des clients à Québec, en Gaspésie, mais aussi en Angleterre et en Norvège. «Le moral est bon, soupire-t-il. Les dernières années ont été difficiles – la récession jumelée à la crise du disque n’a pas aidé –, mais pas de là à tout arrêter… Ce ne sont plus les chiffres de vente qu’on avait il y a huit ans et plus, bien sûr, mais ça va, tant qu’on maintient une gestion saine et une bonne proximité avec les besoins des clients.»

Parutions et prestations exclusives

Côté parutions, David Bowie dévoilera un 7 pouces, contenant deux pièces de son plus récent album, produit à seulement 1000 exemplaires à travers le monde. La formation Pulp optera plutôt pour une réédition de son single After You accompagnée d’un remix. Chez nous, Alex Nevsky tentera l’expérience de la sortie exclusive d’un 7 pouces pour la Journée des disquaires avec Tuer le désir/On leur a fait croire, qu’il risque de reprendre lors de ses passages au Fréquences à Saint-Hyacinthe et à Musique Cité à Sherbrooke, où il présentera des performances éclair.

À Montréal, des artistes de tout acabit – et de tout statut – y iront d’un tour de chant au 33 tours, dont Michel Rivard, Chantal Archambault, Solids, Groenland… et le triathlonien en devenir Alex Nevsky. Du côté de Phonopolis, rabais et concert du duo indie pop montréalais AroarA sont prévus. À L’Oblique, on soulignera autant la Journée des disquaires que la réouverture du local rénové avec des prestations de Jim Corcoran, Canailles et Leif Vollebekk, notamment. «La plupart sont des clients. Déjà là, le contact avec eux était plus facile», glisse Luc Bérard, pas peu fier de sa programmation.

Relève dans les bacs

Bien que les géants s’effondrent et que quelques indépendants lèvent les feutres après des années de misère, une relève s’organise. À Québec, par exemple, un nouveau disquaire ouvrira ses portes en mai: Le Knock-Out, une boutique spécialisée en vinyles à saveur rock, punk et garage. «Je vais t’avouer que, franchement, j’avais des doutes, mais, étonnamment, on a été bien accueillis dans toutes les sphères; que ce soit lors de la visite de locaux, à la caisse ou à la Ville pour le permis», raconte Roxanne Arcand, copropriétaire en compagnie de Jean-Philippe Tremblay, ajoutant qu’elle craignait qu’on reproche au duo le manque de sérieux du projet. «J’ai été surprise par l’ouverture d’esprit et l’accueil réservé au projet tout au long des démarches.» Même si le tandem travaillera au Knock-Out tout en conservant ses emplois actuels – «pour assurer nos arrières», fait valoir Roxanne –, les propriétaires adoptent déjà un discours se rapprochant de celui de leurs collègues plus expérimentés. «Même si notre projet peut sembler avoir une durée de vie limitée, au moins on l’aura tenté. Au moins, la conjoncture est bonne. Non seulement pour nous, mais aussi pour le marché», conclut-elle, pointant la pente qui se redresse et qui pourrait s’élever à nouveau au cours des prochaines années.

La Journée des disquaires se tient, cette année, le samedi 20 avril. Détails sur recordstoredaycanada.com. La page Facebook Disquaires indépendants du Québec (facebook.com/DisquairesQuebec) est aussi riche en informations.