Mes Aïeux : Laisse le soleil
Musique

Mes Aïeux : Laisse le soleil

Mes Aïeux porte à la scène À l’aube du printemps, album de l’éclaircie après la noirceur. Petit bilan d’un printemps québécois que la formation appelait de ses vœux et éloge des oies sauvages avec son chanteur, Stéphane Archambault.

C’était il y a un an déjà. Quelques semaines avant que la casserole ne devienne l’accessoire chouchou du Québécois indigné. Quelques semaines avant que la nuit montréalaise ne soit survolée par des hélicos. Quelques semaines avant ce que l’on consignerait dans les livres d’histoire sous le nom «printemps érable». «C’est pour ça qu’il faut sortir nombreux dans les rues le jour de la Terre, le 22 avril. Pour dire au gouvernement que ses décisions ne sont pas prises pour le bien commun et que le sol québécois appartient à la collectivité», lançait Stéphane Archambault dans un article du collègue Olivier Robillard Laveaux publié le 8 mars 2012, en marge de la parution du cinquième album de la formation Mes Aïeux, À l’aube du printemps. Un titre renvoyant autant aux foules en colère ayant envahi la place Tahrir qu’aux rudes hivers qu’avaient traversés les membres du groupe au plan personnel, ou à l’éveil d’un Québec endormi ben dur que la formation appelait de ses vœux.

Alors, Stéphane, es-tu satisfait de ton printemps 2012? lui demande-t-on alors que des flocons (les derniers de la saison, espère-t-on aux deux bouts du fil) tombent sur Sherbrooke et sur Montréal. «Nous avons, au moins, vécu un réveil collectif, répond le chanteur, mi-figue, mi-raisin. Les gens se sont dit: "Eille, si je fais rien, y a rien qui va changer." Le danger avec ce printemps érable-là, c’est qu’on pense que sa conclusion, c’est un changement de gouvernement. Pour moi, c’est le début de quelque chose de plus grand qui, je l’espère, va durer plus qu’une saison.»

Travailler à quelque chose de plus grand que soi, «pour arrêter de se sentir seul, pour arrêter de se sentir impuissant, parce que c’est quand on est plusieurs à partager les mêmes aspirations que le courage vient», voilà l’idée maîtresse de ce cinquième album, idée trouvant un poétique écho dans l’allure sacrée, solidaire et racée de cette nuée d’oies sauvages qui orne sa pochette. Et dont Archambault, sous la dictée d’un de nos plus grands écrivains, chante les beautés dans Les oies sauvages, un des rares textes du parolier ne contenant pas une trace de cynisme.

Explications: «Sur Facebook, quelqu’un a partagé un texte de Félix-Antoine Savard [auteur de Menaud maître-draveur, roman fondateur de la littérature québécoise] dans lequel il parle des oies. Il montre comment on aurait beaucoup à apprendre, en tant que société, de la façon dont les oies se comportent. La première phrase du texte, c’est: "Il y aurait un beau poème à faire sur ces ailes transcontinentales", alors je me suis dit: "OK, je vais le faire le poème, moi." Quand je l’ai fini, je me suis demandé si je n’étais pas rendu complètement quétaine. Faire un texte sur les oiseaux? J’ai eu un moment de doute profond. J’avais rarement écrit un texte aussi positif. Finalement, ça “fitte” tout à fait avec l’esprit Mes Aïeux: c’est un texte de 1943, mais trouvé sur Internet. Une vieille affaire qui passe par une courroie moderne pour se transformer et repartir dans un autre sens.»

C’est pas moi, je le jure!

Avec La stakose, une de ces chansons-leitmotive dont Mes Aïeux a le secret (on pense à Remède miracle), Stéphane Archambault épingle un travers typiquement québécois, la déresponsabilisation, enjoignant en creux à ses compatriotes de mettre leurs culottes. «Stakose de ma job, stakose des patrons / Stakose de mon ex, stakose des unions / Stakose de mon enfance, stakose d’un traumatisme / Stakose de mon dos, stakose des rhumatismes», entonne présentement sur scène, en tournée, la bande (complétée par Benoît Archambault, Frédéric Giroux, Marie-Hélène Giroux, Luc Lemire et Marc-André Paquet), avant que son leader n’aille s’enquérir dans le public, en tendant directement le micro, de ce qui le tourmente, tracasse ou exaspère. «J’ai été surpris de constater que les gens ne se mouillent pas trop. Ils vont dire: "Stakose des routes, stakose de la température." Il y a quand même eu quelques moments cocasses. Je ne sais plus dans quelle ville, quelqu’un a dit: "Stakose du maire!" et le maire, qui était dans la salle, s’est levé.»

À l’aube d’un nouveau printemps, probablement moins agité que le précédent, Archambault souhaite que le Québec se défasse du complexe qui plombe sa relation au politique. «J’ai des chums avec qui je vais prendre des bières une fois de temps en temps. Tout le temps qu’a duré la crise étudiante, la discussion ne se limitait pas à notre table, elle s’étendait à tout le pub. Tout le pub était dans la même discussion. J’ai trouvé ça rassurant.» De la bière, des amis, une discussion animée: ne manque plus que le soleil.