Alaclair Ensemble : Les mauvaises idées
Musique

Alaclair Ensemble : Les mauvaises idées

Alaclair Ensemble livre finalement un «deuxième vrai album» ainsi qu’un entretien sans compromis.

À l’image de ses prestations sur scène, Ogden s’avère énergique, éloquent et incroyablement verbeux en entrevue. Trois années après 4,99, le premier album du fameux collectif rap – post-rigodon, en fait – réunissant rappeurs et beatmakers de renom, Alaclair Ensemble dévoilait la semaine dernière Les maigres blancs d’Amérique du Noir, une œuvre faisant suite, notamment, à un triptyque – Musique bas-canadienne d’aujourd’hui (2011) – ainsi qu’à un LP (America) accompagné d’un maxi (Dans l’South du Bas) livré en 2012. «La ligne est rendue mince entre ce qu’on présente comme étant du Alaclair Ensemble et ce qui est censé être des projets solos», commente Ogden, visiblement amusé, avant de préciser que Les maigres blancs est le premier jalon à rassembler la ribambelle entière sur une même œuvre depuis le lancement de la première galette.

Ainsi, les fans de la première heure seront ravis de retrouver l’univers aussi riche qu’obtus de l’ensemble où les Illuminati et le grand patron de Power Corporation fricotent (Paul Desmarais), où on fait un clin d’œil à Beau Dommage (Toute doux) pour ensuite évoquer Harmonium (Claude Bégin imite Serge Fiori à la perfection dans Montagne russe). «La création dépasse la musique et Alaclair est à fond là-dedans», fait valoir le rappeur, pointant du même coup le jargon inventé par la bande, la diégèse bas-canadienne qu’elle a imaginée tout comme les activités promotionnelles du groupe. «On ne pourrait pas faire ça sur un record label. On ne pourrait pas annoncer une date de lancement qui n’existe pas (NDLR: Alaclair Ensemble annonçait en grande pompe que son nouvel opus serait livré le… 34 avril), tout comme on pourrait nous “reprocher” de faire un album de 19 tounes. Y a plusieurs petites choses comme ça qui font partie de nos envies et plaisirs personnels en tant que créateurs. Le projet ne se termine pas à la fin de l’album.»

L’envie de se tirer dans le pied

Malgré le succès remporté au fil des années, le Alaclair High persiste et signe: le CD Les maigres blancs d’Amérique du Noir est en vente à 10$ alors que la version numérique, elle, est offerte en échange d’une contribution volontaire. «On veut partager notre musique, martèle Ogden. Même si, économiquement, ça peut avoir l’air qu’on se tire dans le pied en donnant un album qui est aussi en vente, mais, en même temps, Alaclair fonctionne un peu de cette façon-là: la mauvaise idée est souvent la bonne!» Plus tard, le principal intéressé lancera également que «c’est la façon idéale de partager sa musique, pour encourager le bouche à oreille… et comme nous sommes, nous-mêmes, de grands téléchargeurs de musique illégale, ça nous permet de nous déculpabiliser»!

Pris dans le vortex

Bien que les membres du collectif soient conscients de l’impact du projet, Alaclair Ensemble refuse de répondre aux attentes et n’en fait – heureusement – qu’à sa tête. «Dans ce vortex qu’on a mis en place, il y avait très peu d’espace pour la préméditation, car ce qui est aussi important chez Alaclair, c’est que ça doit demeurer une partie de plaisir.» Tout comme lors de l’enregistrement des Maigres blancs, les minces d’Alaclair ayant immortalisé leurs pièces «en vacances» dans un chalet l’été dernier, le nouveau spectacle proposé par la bande sera toujours aussi explosif et laissera une grande place à l’improvisation et à la spontanéité. «Beaucoup d’éléments scéniques se sont insérés avec le temps de façon spontanée, relate Ogden. “Hey! J’ai vu que t’as fait telle affaire sur scène tantôt! On devrait le refaire tous ensemble au prochain!”, etc. On recommence un peu à zéro avec notre mise en scène tout en demeurant fidèle aux shows qu’on fait. C’est un défi très le fun à relever!»