Boundary / Mutek 2013 : Sans limite
Ghislain Poirier n’en fait qu’à sa tête avec Boundary, un nouveau projet qu’il présentera pour la première fois dans le cadre de l’édition 2013 de Mutek.
Si on lui demandait quel est son mantra, on sourcillerait à peine si l’artiste électro, producteur et DJ Ghislain Poirier mentionnait Firestarter de Prodigy, un brûlot instigateur à l’image du beatmaker qui, contre vents, marées et tendances, aura notamment introduit un large public au dancehall à l’aide de ses parutions, soirées derrière les platines et collaborations (avec Boogat, par exemple). Pourtant, à l’entendre parler de Boundary, c’est un air de guitare archiconnu qui nous revient en tête: les premiers accords de… The Gambler de Kenny Rogers. «C’est comme une partie de cartes. J’ai parié sur moi, car j’étais convaincu que j’avais une bonne main», lance Ghislain en faisant référence à la genèse du premier disque homonyme de ce volet plus théorétique de la carrière du beatmaker.
Déjà que, de son propre avis, une certaine confusion règne en ce qui le concerne (il est aussi actif sur scène que comme DJ), Ghislain Poirier croit que dévoiler ces nouvelles pièces — qui évoquent d’ailleurs ses premières oeuvres — aurait multiplié ce «flou artistique». «Je voulais que ce soit clair dans la tête des gens», martèle-t-il. «Boundary est un projet que je fais en «live», Poirier, c’est en DJ. Être DJ, c’est partager la musique des autres alors qu’avec Boundary, je joue la mienne.»
Boundary n’est toutefois pas qu’un retour aux sources pour l’artiste, mais bien le fruit d’une réflexion stimulée par la production de musique pour Le Plan et Les États-Unis d’Afrique, deux documentaires parus en 2011. «Nécessairement, de la musique de documentaire accompagne l’image. C’est plus « ambiant ». J’ai fouillé dans mes vieilles sessions de musique pour m’y replonger… et j’y ai pris goût on dirait! Une fois ces projets de films terminés, j’ai juste continué à faire de la musique que je voulais faire sans me mettre de barrière.» L’indépendance artistique et ses dérivés reviendront souvent au cours de la discussion concernant cette oeuvre IDM plus cérébrale, s’appréciant au fil des écoutes. «Le pire ennemi pour un créateur, c’est l’autocensure. C’est se dire qu’on fait de la musique, par exemple, pour un projet particulier», lance-t-il lorsqu’on lui demande, justement, comment il travaille sur ces deux pans musicaux. «Déjà là, c’est se limiter, poursuit-il, je préfère créer, puis prendre du recul et voir ensuite à quoi c’est destiné. Je ne fais pas de trucs prédestinés. Je fais de la musique.»
La fameuse liberté dont parle le musicien va jusqu’à se retrouver dans le modus operandi de Boundary, car Ghislain Poirier, pourtant bien connu dans le milieu, a produit l’homonyme entièrement de sa poche «parce que personne n’en voulait», glisse-t-il d’ailleurs, sourire en coin. Des semaines plus tard, le pari relevé de Poirier a porté ses fruits. Le disque est salué ici (le Voir lui a donné 4 étoiles sur 5 pendant que Musicismysanctuary.com a souligné le dynamisme et la cohérence du jalon) ainsi qu’ailleurs alors que le New York Times (oui, oui!) a qualifié les nouvelles pièces de «chansons fragiles, mais toujours dub et étonnamment tendues». «Quelqu’un qui aurait eu moins confiance en sa création aurait abandonné dès le premier refus!, note-t-il, fier. Ce disque-là, c’est un « coureur de fond »», conclut-il avant de s’avouer soulagé que le «concert de lancement» ait lieu bien après le dévoilement, ce qui aura laissé assez un bon laps de temps pour apprécier l’œuvre à sa juste valeur, autant du côté des mélomanes que de celui de l’artiste.
En première mondiale dans le cadre de Mutek 2013
Le vendredi 31 mai
À la SAT, en compagnie du batteur Chris Olsen.
Programmation complète: mutek.org