25 ans des FrancoFolies : Fêtes de familles
Musique

25 ans des FrancoFolies : Fêtes de familles

Guy Latraverse, Alain Simard et Laurent Saulnier soufflent les bougies de la 25e édition des FrancoFolies.

À quelques jours du coup d’envoi de l’événement, les compères font davantage l’âge de leur festival que le leur. Lors de la séance photo, le trio peine à se contenir au moment où Jocelyn Michel les fait poser. «Vous êtes des tough guys! Vous êtes Radio Radio avant de monter sur scène!» lance-t-il alors que Latraverse, le vice-président cofondateur, retient un fou rire. Pendant ce temps, Laurent Saulnier, l’administrateur et vice-président, Programmation et Production, tente de chatouiller un Alain Simard, président fondateur, demeurant tant bien que mal stoïque. En entrevue, les gars plaisantent, s’entrecoupent, empilent souvenirs et anecdotes avant de soupirer des «c’était quoi la question, déjà?», tout sourire. Vingt-cinq ans, les FrancoFolies. Des ados grisonnants, de jeunes adultes un peu matures, bien sûr, mais juste assez.

«Pour moi, c’est le pire temps de l’année», lance Laurent Saulnier, sourire en coin, lorsqu’on l’interroge. «J’ai juste hâte que ça commence. On arrête-tu de niaiser pis on le commence, cet événement-là!?» M. Simard en rajoute. «On n’a plus rien à faire, maintenant. Le programme est publié! Je la sens aussi, cette fébrilité. C’est une édition avec plein de surprises!» Le vénérable Guy Latraverse, lui, trépigne à l’idée d’assister au concert réunissant Keith Kouna, Bernard Adamus et compagnie… en plus d’envisager problèmes et imprévus, bien sûr. «On ne peut pas rester inactif. Il y en a toujours à faire. Je trouve ça agréable. Ce n’est pas un problème de l’envisager comme ça.»

Saulnier, lui, a autant hâte à la foire réunissant Sèxe illégal et Les Anticipateurs qu’à l’hommage à Barbara livré par la chanteuse Daphné. «Je l’ai bookée, car le programmateur des Nuits botaniques de Bruxelles, Paul-Henri Wauters, m’a juré que c’était le meilleur hommage à Barbara qu’il avait jamais vu. C’est aussi ce qui est le fun avec les Francos. C’est un festival "familial", dans le sens qu’on se retrouve en famille. Il y a beaucoup de projets pour les années futures qui démarrent aux Francos. Saluer un artiste backstage peut faire en sorte qu’il te parle d’un autre projet à venir, etc. Ça donne lieu à des débuts d’échanges», explique-t-il, tout en liant en partie les récents succès outremer de Lisa LeBlanc et de Karim Ouellet, par exemple, à des participations aux FrancoFolies. «C’est une amorce!», fait valoir M. Latraverse. «C’est comme ça au Marché international du disque et de l’édition musicale en France. C’est d’ailleurs là qu’on – Alain, moi et Jean-Louis Foulquier, fondateur des FrancoFolies de La Rochelle – a discuté des FrancoFolies de Montréal.»

Retour en arrière 

«Ça a commencé un peu avant, lorsqu’on siégeait au C.A. de l’ADISQ», glisse M. Simard. «La chanson québécoise francophone était dans un creux.» Alors que le spleen post-référendaire persiste au cours des années 1980, l’attention des mélomanes québécois se tourne davantage vers les projets anglophones à la The Box et Men Without Hats. Michel Rivard, de son côté, livre Un trou dans les nuages, une œuvre détonant parmi sa discographie très folk tant elle est électronique. «On voulait créer un objet de promotion à l’époque et j’avais glissé un mot qu’on devrait lancer un festival à l’image du Jazz, mais pour la musique francophone.» À l’époque, Simard planchait également sur Sur la même longueur d’onde, un happening présenté conjointement par le Festival d’été de Québec et les FrancoFolies de La Rochelle. «À Québec, on avait Charlebois. À La Rochelle, c’était Léo Ferré. Les deux s’étaient même parlé en duplex par satellite», se rappelle le producteur. Au même moment, Foulquier voulait organiser des FrancoFolies à New York. Alain Simard a alors saisi la balle au bond. «Quand il m’a parlé de ce projet, je lui ai dit qu’on préparait un festival de musique francophone à Montréal. Pourquoi ne pas s’associer pour présenter ça comme les FrancoFolies de Montréal plutôt qu’à New York? Je sais bien que les Français adorent le rêve américain, mais ça aurait plus de sens chez nous… et les New-Yorkais pourraient venir nous visiter!», lance-t-il en rigolant.

La première édition des FrancoFolies de Montréal a donc été envisagée selon trois principes qui, aux dires des principaux intéressés, demeurent pertinents à ce jour: faire la promotion de la chanson francophone, favoriser les échanges entre l’Europe et le Québec et servir de tremplin à la relève. «On voyait dans les cégeps et les polyvalentes que ce n’était "pas cool" d’écouter de la musique en français», commente Simard en pointant la présence des Leloup et Noir Désir, alors présentés aux festivaliers dans le cadre d’un concert de «rock nouveau». «On voulait donc aider une nouvelle génération d’artistes, en plus de rappeler que ça peut être "cool" et aussi bon que ce qui se fait en anglais.» À ces trois piliers, Guy Latraverse – à qui l’on doit, bien sûr, la production de spectacles phares comme L’Osstidcho et J’ai vu le loup, le renard, le lion – en ajoute un quatrième: une volonté de créer des happenings. «Et ça s’est développé, note-t-il. Auparavant, engager un metteur en scène pour un spectacle de variétés, ça se faisait rarement. Aujourd’hui, on se retrouve avec des Dominic Champagne pour faire la mise en scène de concerts en hommage à Félix Leclerc!» Plus tard, il notera aussi qu’«on reçoit des appels d’artistes qui veulent s’imposer dans certains spectacles. “J’adore cet artiste! Je veux collaborer à son spectacle!” Ce n’est même pas une question d’argent. Dans certains cas, ils n’en veulent pas»! Alain Simard renchérit. «On a eu droit à des griefs de l’Union des artistes parce qu’il n’y avait pas de contrats signés pour des artistes qui se sont retrouvés sur scène alors que nous ne savions même pas qu’ils y seraient!», confie-t-il avant de revenir à la relève, sa trame sonore ainsi que son public cible. «C’est quelque chose que je voulais aussi faire quand j’ai été chercher Laurent chez Voir: rajeunir les FrancoFolies.» L’ex-journaliste intervient, minimisant sa direction musicale alors que l’offre du festival, elle, devient de plus en plus inclusive. «Les FrancoFolies ont évolué au fil du temps. On n’essaie pas de réinventer la roue non plus!» Et Simard de renchérir: «En fait, c’est la musique qui a évolué!» 

De Roch Voisine aux Dead Obies 

Alors que la ligne entre l’underground – ou l’émergence – et le grand public est de plus en plus mince pour certains artistes, la programmation des FrancoFolies, elle, reflète le phénomène et se fait plus éclatée. Pour le meilleur comme pour le pire, selon certains. «Encore cette année, quand on a annoncé le concert de Roch Voisine, j’ai lu plusieurs commentaires sur les réseaux sociaux où les gens disaient ne pas comprendre ce choix, souffle Saulnier. Mais moi, je trouvais ça important. Sans rien enlever à d’autres, Roch Voisine a ouvert des portes en France avec la poussée qu’il a eue au début des années 1990. Notre rôle, au sein des Francos, est de faire semblant que ce clivage n’existe pas. Écoute, si ça ne te tente pas d’aller voir Roch Voisine, il y a les Dead Obies juste à côté et tout le monde va passer une bonne soirée!» Alain Simard opine: «On s’est vite rendu compte que bien qu’on vienne aux Francos en famille, on ne reste pas avec elle. Les plus jeunes ne veulent pas aller aux événements qu’ils trouvent “matantes” et vice-versa. Il y en a pour tous les goûts, mais segmenté.» Puis Laurent Saulnier revient à la charge: «On ne fait pas un spectacle de chanson francophone, mais bien de musique francophone! On fait plus que de la chanson en français. Il y a de tout et le menu est important là-dedans. Ça nous permet de constater toute la richesse de cette musique!»

Quand c’est trop… 

Au fil des années, les finances des FrancoFolies ont également fluctué. En 2010, le festival et organisme sans but lucratif traversait une crise à la suite de la perte d’une subvention de près de 1,7 M$ d’Industrie Canada. En 2012, André Boisclair – alors représentant du Regroupement des événements majeurs internationaux (REMI), alliance dont les FrancoFolies sont membres – réclamait 8 M$ au gouvernement Charest. «Ça n’a jamais été facile, s’épanche Simard. Il y a eu une année où Guy et moi avons renoncé à nos honoraires afin de résorber le déficit.» Du même souffle, le président fondateur maintient que les FrancoFolies ont maintenant le vent dans les voiles. «On a réussi à maintenir la programmation gratuite après avoir supprimé certains postes. Nous sommes toujours en croissance. Là, on a signé des contrats de commanditaires à long terme. En ce 25e anniversaire, les problèmes sont réglés, ils sont derrière nous. On sait qu’on pourra résorber le déficit au cours des quatre, cinq prochaines années puis arriver à se développer encore plus.» Et poursuivre les projets délirants, évidemment.

«On peut aussi se gâter. C’est un autre des plaisirs des FrancoFolies», souligne Alain Simard. «On ne fait pas des spectacles pour qu’ils soient rentables. On les fait pour le plaisir, parce que c’est sans but lucratif. On se paie donc la traite!» Éclat de rire général, puis l’homme d’affaires s’explique. «Non mais c’est vrai, combien de fois avons-nous fait des spectacles en sachant que l’on serait déficitaire, mais que ça allait être bon?» «On a pris la mauvaise habitude de surnommer ça "les Francos", avance Saulnier. Parfois, j’ai l’impression que le mot le plus important est "folie". Parce que des folies, on en a fait! Combien d’événements a-t-on présentés même si on savait que c’était trop?» Et Guy Latraverse de conclure: «On aurait dû appeler ça Francotropfolies.»

Du 13 au 22 juin

Programmation complète sur francofolies.com