Documentaire Montreal Underground : L’envers de la médaille
Le documentaire Montreal Underground passe sous sa loupe un pan souvent occulté par les médias: les musiciens indépendants.
Alors qu’on révélait que From Montreal, l’œuvre signée Yannick B. Gélinas et misant, notamment, sur des témoignages d’artistes anglophones et francophones de la trempe de Patrick Watson et Ariane Moffatt, était en lice au prochain gala des Gémeaux dans la catégorie «Meilleur documentaire: culture», on recevait l’exemplaire DVD de Montreal Underground, un autre film bilingue du genre. «Le projet était déjà en cours quand, un bon matin, j’ai appris l’existence de From Montreal en lisant La Presse. J’ai eu une petite attaque de panique!», s’exclame le réalisateur Giuliano Bossa qui apprendra finalement de sa productrice Mélanie Parent que les deux films – bientôt trois en considérant le dévoilement de Je suis dans un band, une autre production du genre – se complètent tant ils sont différents.
Projet en cours depuis l’été 2011, lorsque le musicien et mélomane a poussé d’un cran sa passion pour capter des prestations dans des lofts et appartements avec sa caméra vidéo, Montreal Underground mise davantage sur des piliers de la scène alternative locale que sur des visages connus du grand public. «J’ai commencé avec des gens que je connaissais, que je pouvais approcher, comme Matt Lee ou encore Martin et David de Crabe. À force d’en parler avec eux, ils m’ont envoyé vers d’autres. “Tu fais un documentaire sur la culture DIY? Tu dois absolument interviewer Roy Vucino de Red Mass, voyons!”, etc.», fait-il valoir en mentionnant également les Annie-Claude Deschênes (Duchess Says), Lionel Furonet (programmateur du Divan orange) et autres Rick Trembles (dessinateur et membre des American Devices). «On avait également accès à des artistes aussi pertinents et plus “populaires”, mais on ne voulait pas que ceux-ci éclipsent les autres tant ils rayonnent. On ne voulait donc pas de têtes d’affiche», glisse-t-il ensuite. «Comme Luc Brien des Breastfeeders, par exemple. Il est quand même plus connu que plusieurs autres dans le film, mais les musiciens interrogés nous l’ont tellement recommandé pour ses connaissances de l’histoire de la scène musicale qu’on s’est dit qu’on se devait de l’inclure!»
Le propos détonne tout autant. Si plusieurs articles et reportages locaux et internationaux décrivent la fameuse scène «émergente» de Montréal comme un havre ouvert, créatif, collaboratif et où il fait bon vivre avec une petite poignée de dollars en main, le panel réuni par Bossa s’avère incroyablement critique, lorsqu’il n’est pas carrément aigre, quand il aborde politicaillerie et coups fourrés. «Je ne vois pas ça comme des propos négatifs, mais bien comme la représentation d’une réalité», justifie Giuliano au passage. D’ailleurs, l’exemple le plus éloquent, pour ne pas dire désolant, de cet envers de la médaille est sûrement l’anecdote du duo Crabe qui, après un concert présenté à guichets fermés en première partie de Jello Biafra, icône punk et du doigt d’honneur à l’industrie, n’a reçu que 100$ comme paiement.
Filme-le toi-même!
À l’image des préceptes du DIY («fais-le toi-même»), Bossa et sa productrice se sont entourés d’une équipe extrêmement réduite pour terminer l’œuvre, d’où certaines maladresses techniques. De plus, tout comme la majorité des artistes interviewés, le réalisateur a préféré financer le projet de sa poche. «On a songé à faire des demandes de subventions au début, car ça allait coûter énormément d’argent, mais on ne savait pas trop comment s’y prendre, puis on a réalisé que ça nous prendrait trop de temps. De plus, j’étais un peu mal à l’aise avec l’idée de faire un documentaire subventionné sur le DIY. On a donc suivi le filon jusqu’au bout», fait valoir le cinéaste.
Projection du documentaire le mercredi 19 juin au Théâtre Rialto