Kyra Shaughnessy : Baisser la garde
Kyra Shaughnessy inaugure avec son deuxième album, Waiting for the Light, un nouveau genre musical, l’eco-folk, situé au confluent de préoccupations écologistes et de la grande tradition folk.
Nous croyions les avoir tous croisés, les sous-genres musicaux abracadabrants – Nintendocore, porngore, chillwave –, jusqu’à ce que nous parvienne le deuxième album de l’Estrienne Kyra Shaughnessy, Waiting for the Light, frappé de l’intrigante étiquette eco-folk (selon le communiqué qui l’accompagnait). Quelques googlages infructueux plus tard, il fallait s’en remettre à la principale intéressée pour éclairer notre lanterne. «J’ai inventé ce genre-là, avoue-t-elle, parce que la plupart de mes paroles sont inspirées de la nature ou véhiculent un message environnemental. J’ai choisi folk pour m’inscrire dans la grande tradition du folk social, celle de Bob Dylan d’avant la guitare électrique.» Ou celle de Joan Baez, avec qui Kyra partage cette manière candidement grave de mordre dans de délicates chansons.
Aussi engagée soit-elle, l’auteure-compositrice-interprète préfère susurrer ses hymnes au pouvoir apaisant de la montagne ou de la forêt plutôt que de se laisser gagner par la hargne. Les sermons, très peu pour elle. «Ma musique est engagée, mais n’est pas revendicatrice. Je crois que les messages politiques ne sont pas obligés d’être le fruit de la colère. Il y a plein d’artistes engagés que j’aime beaucoup, mais qui ne sont pas capables de rejoindre un certain genre de personnes parce qu’ils abordent l’engagement d’une manière colérique, ce qui peut parfois repousser.»
Grande bourlingueuse (elle a gratté sa guitare sur presque tous les continents ainsi que dans un train de VIA Rail), Kyra compte parmi ceux qui ont étudié à la proverbiale école de la vie. Ayant grandi à Audet, tout près de Lac-Mégantic, dans la Ferme Racine du cœur (qu’elle codirige aujourd’hui) spécialisée dans les ateliers de guérison psychothérapeutique et la permaculture, la chanteuse s’inscrit délicatement en faux contre le cynisme de notre époque en assurant que sa musique vous permettra de revenir «à Vous-Même, au cœur de l’intention d’amour et de la sagesse calme qui est votre vraie nature» (pour citer la biographie sur son site Web). «L’intention d’amour et la sagesse calme qui est notre vraie nature», répète, des points d’interrogation dans la voix, le journaliste abonné au cynisme pour s’assurer que son interlocutrice mesure bien ce qu’elle avance. «Je crois que c’est dans notre nature, oui, l’amour et la sagesse, mais je crois aussi qu’on appartient à des cultures et des contextes sociaux qui ne font pas grandir ces aspects de l’être humain. La musique permet de connecter avec cette partie-là du cœur des gens.»
«And the truth of love is something / We all have learned to hide», chante-t-elle dans la pièce-titre de Waiting for the Light, un album de force tranquille en forme d’invitation à baisser la garde. «Être dans un état d’ouverture dans le monde dans lequel on vit, c’est être vulnérable. On nous a appris à cacher notre côté sensible, mais on oublie que c’est vraiment un état de puissance et de pouvoir que de se montrer capable d’être vulnérable et ouvert.» Amen.
Kyra Shaughnessy
Waiting for the Light
(Indépendant)