Angélique Kidjo / Festival International Nuits d’Afrique : Envoyée spéciale
Angélique Kidjo est en feu. Comme on l’aime. Et c’est en sa double qualité d’ambassadrice de l’Afrique et de marraine du FINA qu’elle revient à Montréal.
«On accepte tous les mélanges quand il s’agit de la musique américaine, peste Angélique Kidjo. Mais quand cela vient de l’Afrique, il y a un tollé si elle n’est pas ethnique et pure. Ça me donne envie de hurler quand j’entends ces termes-là! Ce cliché d’exotisme et de traditionalisme, on n’en sort pas. Appelez ma musique comme bon vous semble, mais je suis en porte-à-faux avec cette image qu’on a de l’Afrique figée dans le passé, dans les traditions et pas dans l’avenir.»
Le message est-il assez clair? Depuis ses débuts dans l’afro-funk avec l’inoubliable Parakou – le premier choc frontal –, cette artiste emblématique a signé chez Island puis chez Sony, a travaillé avec Joe Dalton et Bono, avec Branford Marsalis et Dianne Reeves, Alicia Keys et Joss Stone, a chanté du Ravel et du Hendrix. Son père, à qui est dédié l’album Oyö, l’avait bien initiée aux rythmes et traditions du Bénin, mais lui avait bien recommandé d’écouter de tout, en tant que citoyenne du monde. Basée à New York, elle revient fréquemment à Cotonou, comme le mois dernier, pour enregistrer un batteur et un bassiste de là-bas. «Ils ont un tempo qui tue, commente la chanteuse devenue réalisatrice. Il y a, au pays, cette créativité assez incroyable. Beaucoup de jeunes qui ont grandi en Europe font aussi parler d’eux. Ils ont cette culture ancestrale plus ou moins pointue et montrent les visages multiples de l’Afrique. C’est tellement complexe… Rien qu’au Bénin, chaque village a un rythme et un langage différents. Neuf millions d’habitants qui parlent 50 langues! Allez y comprendre quelque chose…»
Mais l’Afrique c’est l’avenir, défend Kidjo l’ambassadrice. Deux milliards d’habitants en 2050 et près de 90% de la francophonie bientôt, voici le «vieux continent» dont la richesse est sa jeunesse. «Mais les jeunes auront-ils du boulot?», s’inquiète-t-elle. «Chaque fois que je vais là-bas, ça me fend le cœur d’entendre leurs rêves. Ceux qui sont dans l’ombre ne le diront jamais, mais s’empêcheront toujours de rêver. Et il ne faut pas non plus que l’Afrique devienne une base arrière des pays extrémistes par manque d’information.»
Sur la lancée du fiévreux Spirit Rising, son premier album live en 25 ans de carrière à brûler les planches, l’explosive Angélique nous revient pour un spectacle unique et gratuit dans cette ville où elle a avoué vouloir vivre. Mais là où elle explose littéralement de joie à l’autre bout du fil, c’est lorsque je lui annonce que l’instigateur de Nuits d’Afrique, Lamine Touré, vient d’être décoré du grade de chevalier de l’Ordre national du Québec pour l’ensemble de son œuvre.
— Ça fait combien de temps déjà que le festival existe?
— C’est la 27e édition, lui dis-je. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain…
Elle me rassure aussitôt: «Ce n’est rien ça, dans l’ensemble de l’espace-temps. Pendant des siècles, on a diabolisé l’Afrique et son image a été façonnée par ceux-là mêmes qui l’avaient pillée.»
Festival International Nuits d’Afrique
Du 9 au 21 juillet