Laurent de Wilde / FIJM : Après le boum boum
Musique

Laurent de Wilde / FIJM : Après le boum boum

Après avoir soulevé le Festival international de jazz de Montréal avec ses groovissimes machinations électroniques, le pianiste français Laurent de Wilde renoue avec un certain classicisme jazz, celui du trio acoustique.

La dernière fois qu’il est monté sur une scène du Festival international de jazz de Montréal, Laurent de Wilde s’appliquait à brasser dans le même bécher électro-jazz, drum and bass et dub avec l’aide électrisé de son groupe alors baptisé Organics. «C’était ma période boum boum», résume en rigolant le pianiste depuis Paris quelques jours avant l’heure du décollage de l’avion qui le ramènera dans la métropole. «J’ai le souvenir d’un concert sur une grande scène devant 10 000 ou 15 000 personnes qui dansaient tous le poing en l’air.»

Bien que le pianiste français ne verrait aucun inconvénient à ce que sa musique «titille le derrière des spectateurs et que leurs hanches se mettent à onduler», il est peu probable que le concert tiré de son plus récent album qu’il présentera à L’Astral ce samedi déchaîne de telles physiques passions. Mis en boîte en compagnie du contrebassiste Ira Coleman (Sting, Dee Dee Bridgewater) et du jeune batteur Clarence Penn, Over The Clouds voit de Wilde reprendre ses relations avec un certain classicisme jazz (du point de vue de l’instrumentation du moins), en trio, une formation convoquant forcément l’élégance de toute une tradition. C’est d’ailleurs en trio que de Wilde avait d’abord attiré les yeux sur lui, au début des années 1990, avant la déflagration électro-jazz Time 4 Change de 2000 (un grand disque).

Le principal intéressé adhère-t-il au verdict de certains critiques qui, en observant le matériau composite qu’est sa discographie versant dans l’électronique et l’acoustique, lui ont diagnostiqué un dédoublement de personnalité? «Je serais plus flatté si on me diagnostiquait un quintuplement de personnalité! Deux, je trouve ça un peu faible», réplique, amusé, celui qui a dépoussiéré quelques standards de jazz traduits par le Bison Ravi en compagnie de Diane Tell sur son album Docteur Boris & Mister Vian, accompagné aux ivoires Abd Al Malik et signé en 1997 une biographie de Thelonious Monk, entre autres projets parallèles. «Il y a plusieurs espèces d’artistes: il y a ceux qui poursuivent un seul chemin, qui n’ont qu’une seule voix à exprimer, et il y en d’autres qui sont beaucoup plus papillonnants. Je crois que je suis une sorte de papillon.»

De retour à la barre d’un trio, loin de sa quincaillerie électronique, de Wilde ne renie pas pour autant sa passion pour le groove, qui gonfle Over The Clouds comme un nuage sous le point d’éclater, particulièrement dans Fefe Naa Efe, relecture d’une pièce du mythique Fela Kuti. «Quand j’étais adolescent, c’était la grande période de Fela. Les musiques africaines m’ont beaucoup fait danser. Celle de Fela avait une parenté évidente avec James Brown au plan rythmique et orchestral. Quand on vieillit, on a toujours tendance à se retourner vers ce qu’on a aimé en premier.»

Ne vous surprenez pas si vous croisez de Wilde dans une succursale Bureau en Gros près du Quartier des spectacles ce week-end. C’est que le caméléon aime étaler de la Patafix (communément appelé gommette au Québec, lui apprend-t-on) sur les cordes de son piano dans le but d’en extraire des sonorités analogues à celle qu’émet un balafon (sorte de xylophone africain). «Les pianistes produisent habituellement ce genre de sons en posant une main sur une corde et en jouant avec l’autre main la note ainsi étouffée. Ça donne un son très percussif, qui n’a pas la tenue de la note qui vibre naturellement. C’est un son merveilleux, sauf que pour le produire, il faut avoir une main qui trifouille les cordes et l’autre qui joue. C’est une position qui n’est pas très confortable, qui met en péril le dos du pianiste. Heureusement qu’il y a la gommette! J’en étale un long serpentin sur la partie du clavier qui m’intéresse, ce qui me permet d’avoir la pleine jouissance de mes deux mains tout en gardant les cordes étouffées. Et ça se retire d’un seul coup de poignet.»

Le 6 juillet à 21h

À L’Astral

À l’occasion du Festival international de jazz de Montréal