Braids : Dans la tourmente
C’est avec un membre en moins et une passion nouvelle pour la musique électronique que Braids émerge de la tourmente avec Flourish // Perish. Parce qu’à vaincre sans périr, on fleurit sans gloire.
«Les quatre premiers mois de l’enregistrement ont été très émotifs et intenses, probablement le moment le plus éprouvant que nous avons eu à vivre en tant que groupe. Notre projet était sous le point de périr, il fallait le sauver. Ce n’est seulement qu’après avoir apporté plusieurs changements difficiles que nous avons pu fleurir de nouveau», explique Austin Tufts, batteur de la formation néo-montréalaise Braids à l’aube de la parution de Flourish // Perish, deuxième disque du quatuor devenu trio (on y reviendra) d’origine albertaine. Rappelons que les longs morceaux conjuguant pop onirique et expérimentations du précédent Native Speaker avait contraint en 2011 les critiques musicaux à de sérieux efforts de litote (la musique de Braids a quelque chose de très viscéral et de très cérébral à la fois).
C’est avec de l’engrais électronique que ces jeunes porte-étendard du son de Montréal ont cette fois-ci fertilisé leurs cogitations en évacuant presque complètement les guitares carillonnantes si caractéristiques de leur première incarnation. Vaste essaim de sons de synthèse empruntés à l’ambient et à la techno minimaliste, Flourish // Perish témoigne d’un groupe qui cherche désormais moins la transe dans les rythmes tribaux et davantage dans des boucles cousines du dubstep façon Burial. «C’est tout simplement la musique que nous avons écoutée pendant la tournée, beaucoup de Pantha du Prince et d’Aphex Twin, entre autres. C’est avec cette palette que nous nous sommes mis à peindre.»
Comment te dire adieu
Parmi les changements difficiles qu’évoquait d’entrée de jeu Tufts, le départ de la claviériste Katie Lee apparaît comme le plus douloureux, et c’est avec une palpable vulnérabilité que le musicien lève le voile sur les motifs ayant justifié cette pénible décision. «Il y avait longtemps que nous n’avions pas composé ensemble, nous avons dû réapprendre à collaborer. Mais il y avait un tel désaccord entre ce que Taylor [Smith], Raphaelle [Standelle-Preston] et moi voulions et ce que Katie voulait. Elle aurait préféré créer l’album comme nous avions créé Native Speaker, chacun derrière nos instruments, tandis que nous préférions assembler les chansons pièce par pièce comme on met ensemble des morceaux de casse-tête. Nous désirions briser les barrières habituelles de « ceci est mon instrument, ceci est le tien » et tout créer en groupe derrière l’ordinateur. Mais se libérer de ces rôles traditionnels peut être assez apeurant. Nous avons essayé, essayé, essayé de trouver une autre solution, mais le seul moyen d’empêcher l’album de couler à pic était de laisser Katie partir.»
Une plaie béante que le trio aura eu du mal à panser, s’il faut en croire certains textes de Standell-Preston (aussi du duo Blue Hawaii) qui abordent de front la question. «If Three can run / Four wants to cry», chante-t-elle de sa voix d’elfe sur Together, torpide descente de huit minutes dans les profondeurs d’une déchirante rupture, le morceau de bravoure de cet album en forme de très sinueux récit initiatique. «Nous n’avions que 18 ou 19 ans quand nous avons écrit Native Speaker, rappelle Tufts. Raphaelle dit qu’elle est depuis devenue une femme, une adulte, et ça s’entend dans les textes: il y a beaucoup de questionnements, d’angoisse, de tourmente. Tu sais, nous nous demandons tous constamment si être dans un groupe est la bonne chose à faire de notre temps.» À notre humble avis, oui.
Flourish // Perish
(Arbutus)
Dans les bacs le 20 août