Yves Desrosiers : L'album est un songe (avec vidéo)
Musique

Yves Desrosiers : L’album est un songe (avec vidéo)

Avec Bordel de tête, Yves Desrosiers signe une oeuvre aussi collaborative… qu’onirique.

Première question pour briser la glace: comment un artiste de votre trempe se sent-il quelques jours avant le dévoilement d’une nouvelle oeuvre? Toujours nerveux? De plus en plus confiant?

Toujours nerveux. C’est se mettre à nu devant le monde une nouvelle fois et, comme je suis quelqu’un d’un peu introverti, se dévoiler comme ça me fait aussi sortir de ma bulle. Puis je me demande si les gens vont aimer ou non et autres trucs qui nous font toujours «freaker» sur les bords! En fait, à toutes les fois que je sors quelque chose qui est destiné au public, je me dis: « Mais qu’est-ce que je fais là!? ». J’imagine que tout le monde se dit ça, puis on embarque dans le bateau et c’est parti. On essaie d’oublier ça et «d’enjoyer» la suite comme diraient les Hay Babies!

Chansons indociles, votre album solo précédent, date d’un peu plus de cinq ans. Comment expliquer ce laps de temps aux fans? Vos autres projets vous ont pris tout ce temps? Il y a d’autres raisons?

Sortir des disques solos n’a jamais été mon occupation principale. Je n’ai jamais envisagé de m’occuper que de ma carrière solo. Je la mène qu’à temps partiel. J’ai toujours travaillé pour d’autres artistes ou dans la musique de film. Et il y a eu d’autres contraintes aussi. J’ai déménagé. Je devais donc me construire un nouveau studio. Je devais aussi négocier avec le label en ce qui concerne la parution, etc.

C’était quoi le «plan de match» pour ce nouvel album? Poursuivre dans le sillon de Chansons indociles? Un désir de s’en détacher? Juste prendre un «polaroid» des chansons qui vous habitaient à ce moment?

Il n’y avait aucune balise pour cet album-là. Si je l’ai nommé Bordel de tête, c’est parce qu’il me faisait penser un peu à un rêve turbulent qui va du coq à l’âne ou à un «brainstorm» un peu bizarre. Comme j’y explore l’univers de plusieurs écrivains, c’est le texte qui décide, pas moi. Comme pour tout le monde, quand je lis, je vois une image, un lieu, quelque chose et c’est là que la musique part, que la musique se décide, se construit. Ce qui fait que sur cet album-là, on peut passer d’une chanson profonde un peu planante à un truc plus pop, plus léger qui me ressemble moins. En considérant les styles abordés, je me disais que ça n’avait pas de bon sens. C’était vraiment comme dans un rêve où tu ouvres une porte puis tu te retrouves au volant d’une voiture ou à cheval ou sur le dos d’un chameau!

Comment avez-vous sélectionné les textes de Langevin, Nelligan et Vissotsky, par exemple? Comment avez-vous collaboré avec les Tabra et Aubert? Ils ont eu accès à de la musique pour s’inspirer? Vous leur avez soumis des thèmes? Ils avaient carte blanche? 

Y’avait zéro maquette!

J’ai repris trois chansons de Vissotsky. Comme le poète mettait déjà ses poèmes en musique, le travail était plus au niveau des arrangements. J’ai déjà sorti un hommage à Vissotsky par le passé (NDLR: Volodia, son premier album solo paru en 1999) et il me restait toujours des chansons importantes de lui du lot. 

J’ai travaillé avec Robin Aubert auparavant (NDLR: Desrosiers a notamment signé la trame sonore du film Saints-Martyrs-des-Damnés d’Aubert. Ce dernier lui a confié des textes pour Chansons indociles). Il écrit énormément. C’est une plume qui roule! La façon dont on travaille, c’est qu’il m’envoie plein, plein de textes pis, à un moment donné, «pouf», y’en a une dans laquelle je vois une image dedans! Je vais commencer à travailler de la musique dessus puis, plus tard, je vais envoyer un courriel à Robin où je lui dit: « Bon ben celle-là est finalement en musique! ».

Ce qu’il fait, en fait, ce n’est pas de la chanson et j’adore ça. C’est très prosaïque, les pieds ne sont pas agencés, c’est un peu le bordel. Ces «accidents»-là permettent plus de création. Ça donne des chansons pas toujours carrés où la mélodie change, etc. J’aime ça comme ça.

Gilbert Langevin est arrivé à la toute fin. Je terminais l’album et on m’a invité à faire un de ses poèmes en chanson pour une soirée qui a lieu annuellement à sa mémoire. J’ai accepté et j’en ai trouvé une qui me convenait là-dedans, qui coulait bien. 

Un choix qui était plus «inusité», c’était Roger Tabra. C’est spécial parce qu’il a écrit pour des gens qui ne font pas toujours partie de ma discothèque, mais j’aime le personnage et j’ai bien aimé ce qu’il a fait à l’extérieur de ce qu’il fait pour des artistes plus «mainstream», disons!

Je lui ai demandé s’il avait quelque chose pour moi. Il m’a dit qu’il aimait mon travail et il m’a invité chez lui pour qu’on écrive ensemble alors que j’espérais seulement fouiller dans sa poubelle! Je suis arrivé chez lui. Il avait une guitare classique dans un coin. J’ai commencé à lui raconter des histoires en jouant. Lui, il s’est ouvert une bière pis «zou!», y’est parti et m’a pondu quelque chose par rapport à ce que je lui ai raconté. Ce que je jouais dans son salon a finalement servi de base à la chanson. 

Vous présentez la chanson de Tabra comme un hommage à Lhasa De Sela. C’était prévu? Ça s’est imposé lors de l’enregistrement en revenant à son texte?

Je lui parlais de la vie professionnelle et amicale que j’avais avec elle et de tout ce qui peut passer par la tête quand quelqu’un qu’on connaît disparaît, les sentiments qui remontent, les choses qui apparaîssent dans des rêves, si on veut. J’ai trouvé ça très cool, même si je n’ai pas l’habitude de chanter des choses aussi intimes, des mots comme ça. En fait, règle générale, je ne chante pas de chansons d’amour. C’est une histoire du genre, mais elle n’est pas «classique», comme on la connaît d’habitude. C’est… autre chose, si on veut, mais ça demeure une chanson d’amour. Je me demandais si j’étais capable de le faire sincèrement et je crois que j’y suis arrivé!

Et des années plus tard, quels souvenirs gardez-vous de Lhasa de Sela?

Bordel de tête sera lancé sur étiquette Audiogram le mercredi 21 août au Verre Bouteille de Montréal.

Écoute exclusive de l’album sur le site d’Audiogram.

Détails sur l’album et la tournée d’Yves Desrosiers sur yvesdesrosiers.com.