Michel Rivard : Roi de carreau
Musique

Michel Rivard : Roi de carreau

Avec Roi de rien, Michel Rivard revient à la charge avec une œuvre folk-country alliant urgence et plaisir, éperon de botte et chemise à carreaux.

J’ai un char

Un vieux char

Qui n’a plus de roues

Je m’en sers encore

Pour rester chez nous

C’est sur ces mots que la chanson Roi de rien débute et donne, du même coup, le ton à ce disque ainsi qu’au processus créatif derrière. «Elle est sortie alors que je pensais que je n’écrirais plus rien d’ici deux, trois ans!», lance l’auteur-compositeur-interprète en faisant référence à la trame sonore de la comédie musicale Les filles de Caleb qu’il venait tout juste de signer. «Je pensais que j’étais vide – 36 tounes, paroles et musiques, c’est quand même l’équivalent de trois albums! Pis moi, je fais un album aux cinq ans. J’en ai pour un maudit bout!»

Pour la petite histoire, ce régent au carrosse sur quatre blocs lui a rendu visite un jour d’automne, saison préférée du chanteur. «Inconsciemment, j’ai décidé que ça avait l’air d’une première phrase d’album.» Alors que Michel Rivard s’apprêtait à retourner en hibernation, cette nouvelle pièce s’est transformée en un ordre. «Cette chanson-là me disait: « R’garde, ‘tit cul. C’est ça que tu fais dans la vie? Alors t’as peut-être besoin de vacances, mais ce n’est pas tout de suite! Écris des tounes! »»

Confiance… ensemble

À l’image de Confiance, son album solo précédent, les premières pièces ont pris forme dans le studio personnel de Rivard. «Je m’installais et je chantais en m’accompagnant, sans corrections, rien», raconte-t-il. Au fil des prises, Rivard dérogera du modus operandi. «J’ai fait différentes versions et quand je suis tombé sur les bonnes, c’est là que le portrait a commencé à se dessiner: j’ai le goût de travailler avec le Flybin Band, mes musiciens, mes choristes, et j’ai aussi le goût que le public ait accès à ça!»

D’où l’album Roi de rien, une œuvre «sans bizounages» qui confirme aussi toute la magie entre Rivard à ses musiciens. «C’est un son qui est empreint de beaucoup de télépathie, car nous sommes ensemble depuis des lunes et des lunes. Je me suis dit que je voulais capter ça», fait-il valoir. Et de ce lien découlera le seul tour d’adresse sur le disque, selon Rivard, celui-ci refusant que le studio choisi devienne un instrument en soi. «Je voulais que ce soit simple, simple, simple!» tranche-t-il, en riant. En plus de donner un avant-goût de la prochaine tournée de Rivard, Roi de rien témoigne de la virtuosité de l’ensemble et du plaisir entourant son enregistrement, orchestré par Éric Goulet qui intervient à titre de réalisateur.  

Un respect engagé

Se disant tour à tour «artiste du mot» et «poète qui a un pied au sol… et l’autre qui flotte un peu», Michel Rivard n’est pas à l’aise lorsqu’on aborde le côté «engagé» de sa pièce Dans l’bois, inspirée du documentaire Je ne veux pas mourir de Paul Rivet où le cinéaste et travailleur de rue invite des sans-abri toxicomanes autochtones de Montréal à (re)découvrir leurs racines dans les bois de la Côte-Nord. «J’ai de la difficulté avec ce mot-là», soupire-t-il, mentionnant que les chansons du genre sont venues sporadiquement et au gré des urgences au cours de sa carrière. «Je trouve que toutes mes pièces sont engagées dans une espèce de vision du respect de la vie, sur l’ouverture, aimer et écouter les autres. J’essaie de faire passer ces messages davantage que « Voilà, je vais faire une chanson sur le traitement des itinérants autochtones à Montréal », par exemple.»

Ainsi, bien que le chanteur se soit dit «réveillé» par les étudiants lors de la fameuse manifestation du 22 mai 2012, le printemps érable n’est pas au programme de Roi de rien… ou si peu. «Sur Merci pour tout, je remercie quand même « les flots, les fous, les folles » et « le printemps quand défile l’espoir en rouge et bleu ». J’aurais pu écrire une toune sur le printemps érable, mais je n’avais pas le goût d’être lié à un seul événement. Je veux écrire des choses qui restent après.»

Le lendemain de notre entretien, le chanteur ajoutait justement son nom aux signataires du Manifeste pour un Québec inclusif, après avoir qualifié la Charte des valeurs québécoises de «réductrice et électoraliste» sur sa page Facebook mercredi (commentaire qu’il a par la suite effacé). Invité à commenter la situation actuelle, Rivard est revenu sur sa notion de respect, présente dans toute son œuvre. «Je suis nationaliste jusqu’à un certain point. Je suis nationaliste jusqu’à l’ouverture. S’il s’agit de fermeture, je ne suis plus là pantoute. Je crois que le Québec devrait être un pays, mais je crois que le Québec devrait être un pays à l’image de la réalité qu’on vit actuellement. Et cette réalité-là, elle passe aussi par les communautés.»

À ce jour… et ensuite

En 2012, l’auteur-compositeur-interprète lançait À ce jour…, une compilation présentée sous forme de livre rassemblant ses albums solos. Signe annonciateur d’une retraite à venir? Un an plus tard, Rivard persiste et signe: «C’est tout sauf un bilan de carrière! s’exclame-t-il. C’était un désir de rapatrier. Je trouve ça le fun de pouvoir dire à quelqu’un: « Regarde, écoute ça. C’est là que j’en suis. » Je trouvais ça important de le noter. Je ne voulais surtout pas que les gens le prennent comme l’annonce d’une retraite à venir. C’est un mot qui ne fait pas partie de mon vocabulaire!» Bien au contraire, alors qu’il vogue sur sa soixantaine – et voit «venir les jeudis de plus en plus rapidement» – Michel Rivard croit que Roi de rien tourne une nouvelle page dans sa carrière. «Honnêtement, ça se peut même que ça me donne le goût d’en faire plus!» Mieux encore, il y va presque d’un engagement, justement. «Je ne veux rien promettre, mais les parutions d’albums risquent de se rapprocher. Je ne te sortirai pas le cliché du « J’ai encore trop de choses à dire », parce que je ne le sais pas, je n’ai pas d’agenda, je m’alimente du quotidien, mais j’ai encore trop de fun à faire ça!»

Roi de rien 

(Spectra)

Dans les bacs dès le 1er octobre