Jimmy Hunt : Aller ailleurs
Avec Maladie d’amour, son deuxième album, Jimmy Hunt s’éclate… musicalement et artistiquement.
C’est un Jimmy Hunt qui dit avoir la gueule de bois, mais qui s’avérera finalement plutôt loquace qu’on rencontre dans un café du Mile-End. La clientèle anglophone ne semble pas reconnaître le chanteur nommé à l’ADISQ et artiste Révélations Radio-Canada pour son premier jalon homonyme, mais les filles présentes dans l’établissement, elles, zieutent tout de même l’escogriffe du coin de l’oeil. Trois ans après Jimmy Hunt, le disque, Jimmy Hunt le troubadour change de son sans rien perdre de son charme.
«Je m’y attendais», confie-t-il d’emblée en faisant référence aux réactions face à Maladie d’amour, une création aux antipodes de son œuvre solo séminale. Si son disque homonyme s’inscrivait dans un folk pop suscitant autant Charlebois que Dylan sans glisser dans le passéisme, Maladie d’amour flirte avec la pop, le folk, l’électro, le mysticisme et le rut, notamment. «Je sais que la réception sera plus divisée que l’autre, car le précédent avait une matière plus accessible. Y’avait une base folk alors déjà là, au Québec, c’est comme une base « acceptée » d’avance. Peut-être que ce nouvel album va agir comme un filtre par rapport aux gens qui sont plus ouverts musicalement ou non et qui vont moins embarquer. Moi, ça ne me pose pas de problème. C’est difficile de parler en ces termes d’un public, mais si ça m’attire un public qui est peut-être plus intéressé par la musique en soi, ben… tant mieux!», lance-t-il avant d’éclater de rire.
Le diagnostic
Cette Maladie d’amour a pris de l’ampleur en trois temps. Hunt a tout d’abord enregistré des pistes avec son compagnon de route Christophe Lamarche-Ledoux (aussi membre des projets riches en claviers Rock Forest et Organ Mood) dans un chalet de Saint-Élie-de-Caxton. «Dans la composition, je voulais donner plus de place à la musique et mettre moins l’accent sur les paroles», note Jimmy en plus de mentionner qu’il voulait travailler sur un disque depuis longtemps avec ce premier collaborateur en phase avec les obsessions du moment du chanteur. «J’écoutais beaucoup de musique de film à la François de Roubaix, la grande époque des synthétiseurs de la fin des années 1970, début 1980, qui me rappelle aussi des animations que je regardais quand j’étais enfant ou encore des séries documentaires à la Cosmos de Carl Sagan. Je voulais en intégrer, sans que ça fasse « rétro » ou « vintage ». J’voulais juste briser le format « chanson ».»
Mais – parce qu’il y a toujours un mais: «À un moment donné, je me suis rendu compte qu’une douzaine de tounes du genre serait badtripant. J’ai donc remis un peu de structure « refrain-couplet » là-dedans, tout en gardant…» Jimmy Hunt hésite: «J’voulais que ça soit…» puis, il grimace. «Je n’aime pas ce mot-là… « coloré »? Mais c’était ça l’idée.» D’où l’inclusion d’Emmanuel Éthier, autre membre de l’entourage, musicien prisé (il collabore aussi avec Cœur de pirate) et réalisateur prenant du gallon (il a coréalisé le fameux Une version améliorée de la tristesse de Peter Peter). «C’est la collaboration idéale!», s’exclame Hunt. «Nous sommes des amis avant tout. On passe donc beaucoup de temps ensemble à boire de la bière et à écouter de la musique. C’est le fun, aussi, travailler avec Manu. Il aime vraiment ça, le studio. Il peut passer des heures à chercher le son parfait. Tellement qu’il m’arrivait de prendre des pauses à l’extérieur en me demandant « Comment il fait? » Tout ce que j’entendais, c’était des « beep, beep, beep » et des « pas celui-là, pas celui-là, pas celui-là » puis, à un moment donné, il trouve! Moi, je me perdrais dans l’univers des possibles!» Et «tant qu’à y être», le chanteur s’est également offert une séance solo voix et guitare. «C’est peut-être plus homogène sur le disque, mais y’a quand même trois différentes approches sur ce disque. Y’avait 23 tounes au total!» De cette vingtaine de pièces, 18 se rendront à l’étape du matriçage. De celles-ci, quatre seront retranchées pour réapparaître au printemps prochain sous forme de maxi… en attendant une édition vinyle double rêvée par Jimmy et où il réintégrera la totale.
Réaction bénigne
Lorsqu’on lui demande si ce changement de cap ne serait pas en réaction à son succès populaire, Hunt ne bronche pas. «Sans le dire négativement, c’était sûrement lié à ça. C’est quelque chose qui m’a stimulé, côté créativité, en fait. Y’a peut-être une affirmation là-dedans à la « J’suis peut-être pas tout à fait ce que l’autre album donnait l’impression ».» Ainsi, la suite logique d’un album très bien reçu n’a jamais été considérée par Hunt quand il envisageait Maladie d’amour. «Je trouve ça assez ennuyant en général. Ça sent un peu le « Ça a marché une fois? Ça va marcher deux fois! » C’est donc sûr que je ne serais pas allé dans cette direction-là. La question ne se posait même pas. J’espère que j’évolue en faisant de la musique. J’espère que je m’améliore, même. Non, mais c’est vrai! J’pense que je joue un peu mieux de la guitare qu’avant!»
Maladie d’amour
(Grosse Boîte)
Disponible dès maintenant