Mute / 15e anniversaire : Faire ça vite
Musique

Mute / 15e anniversaire : Faire ça vite

La formation punk rock Mute a de quoi être fière. Dans un univers effréné et graffée de «sans futur», elle fête son 15e anniversaire. Rencontre avec quatre vétérans qui n’entendent pas ralentir le rythme.

«Faut être fucké dans la tête et avoir de la corne, rigole Étienne Dionne (batterie, voix), quand on lui demande d’expliquer la longévité de son groupe. Mais c’est surtout la passion. Tu fais la musique que t’aimes, sans compromis. Faut pas que tu regardes l’effort à mettre, pis que tu le fasses.» Et pour ce qui est de «le faire», Mute le fait: au fil des années, le groupe de Québec a sorti quatre albums, joué avec des monuments tels que Bad Religion et The Offspring et, surtout, parcouru des milliers de kilomètres en camionnette. «La tournée, c’est le vrai test, tranche Jean-Philippe Lamonde (basse, voix). Quand tu commences, tu roules pendant des heures et tu joues pour une caisse de bières. Mais, quand t’as la piqûre, tu rembarques dans le truck encore et encore.»

«Y’a pas de secret, explique Dionne. Faut que tu fasses plusieurs shows de marde pour t’endurcir la couenne et, quand elle est assez solide, c’est là que tu donnes tout sur le stage –jusqu’à la dernière goutte d’énergie – et que le public te renvoie tout ça!»

Malgré la passion qui roule à plein régime, nul n’est cependant à l’abri des cahots. «C’est un hobby rough pour le corps et le mental, confie Dionne, justement attablé devant Alexis Trépanier (guitare) qui dort en cet après-midi, exténué par une nuit sur la route. On fait une musique très physique; on a tous été blessés. Eh puis, c’est pas facile, les longues routes, avoir faim, être loin de chez soi. Il y a cinq ans, on se demandait si on allait continuer…»

À cette époque, le groupe a décidé de survolter la machine. Après d’innombrables spectacles partout au pays, Mute a sauté dans un avion. «On a commencé à aller en Europe et en Amérique latine, poursuit Dionne. Ça nous a donné un second souffle!» Est-ce dire que le groupe était essoufflé…ou était-ce la scène?

Les copains d’abord

Le style de punk véloce et mélodique que joue Mute a connu son âge d’or au Québec à la fin des années 90 mais, aujourd’hui, l’élan se passerait ailleurs. «Ça marche très fort en Amérique latine», remarque Dionne. «Le monde là-bas est fou, s’emballe Marc-Antoine Bastien (guitare). Y’ont besoin de sauter partout, de crier. Au Québec, les gens nous apprécient autant, mais sont généralement moins démonstratifs qu’avant.»

Le groupe demeure néanmoins tendre envers sa scène locale. «C’est trippant de voyager et de faire partie d’une sorte de réseau international, mais ça prend des bases. Et ces bases sont la scène locale», précise Lamonde.

«On adore notre scène et notre ville, d’ajouter Dionne. On a des fans ici qui nous suivent depuis longtemps. La scène locale agit comme fondation.» Et chaque personne qui la compose la solidifierait.

«L’esprit de camaraderie est super important [dans le punk], poursuit Dionne. C’est une petite scène : on a besoin de se soutenir les uns les autres.» «À nos débuts, les gars de MAP nous avaient pris sous leur aile, se rappelle Lamonde. On leur en sera toujours reconnaissants et on essaie de faire pareil avec d’autres groupes.»

Salle de réveil

La scène de Québec ne serait néanmoins plus ce qu’elle a été, et la quantité de groupes des années 90 qui refont surface peut donner une curieuse impression de disque qui saute. «Les vieux bands repartent en tournée parce qu’ils ne font pus d’argent avec leurs disques, explique Dionne. Ça fait que le marché est vraiment saturé. Toutes les salles sont bookées!» Au grand plaisir des fans, qui trouvent leur compte dans cette surenchère de punk. À condition qu’ils aient soufflé 18 bougies. «Avant, plusieurs shows se passaient dans des centres municipaux, se souvient Dionne. Maintenant, il y a pus vraiment de shows pour tous à Québec. C’est dur de renouveler le public.»

Surtout que, dans le milieu punk, tout se passe en concert. Le plus tôt on fait le pogo avec un copain, le mieux c’est. «Tu peux regarder des vidéos sur YouTube, explique Bastien, mais ça ne recrée jamais la musique forte qui te fait vibrer ni la chaleur de la foule et du groupe. Faut que t’ailles dans une salle de concert pour te faire blaster les oreilles!»

Donc, en définitive, s’il y a tant de concerts, le punk rock serait encore bien en vie à Québec. «J’ai l’impression qu’il y a un regain», avance Lamonde. «Y’a plusieurs excellents nouveaux bands, remarque Dionne, mais ils sont noyés dans une quantité d’information. Faut juste creuser!» Et demeurer à l’affût des bonnes vieilles camionnettes pleines d’autocollants stationnées devant les salles de concert.

Le 5 octobre au Cercle

mutepunk.com