Les Frères Goyette : Dr Laganière et Mr. Goyette
Créateur et création s’émancipent sur Fidèles, tenaces et frères, le nouvel album des Frères Goyette.
En 1983, le groupe rock Kiss voulait «faire différent» et a laissé sa trousse de maquillage pour lancer son CD Lick It Up. Trente ans plus tard, le cinéaste et musicien Simon Laganière s’interroge lorsqu’il songe à la moustache de son alter ego Mario Goyette, leader de la troupe de troubadours folk Les Frères Goyette. «Oui, des fois je me demande si la moustache est toujours pertinente. Je pense même que c’est un propos qui va revenir dans les critiques à venir de l’album. “Pourquoi s’en tenir aux personnages?” Pis je dois avouer que je ne saurais quoi répondre.»
À défaut d’être des humoristes chantants, les Goyette se sont tout de même gossé une solide réputation de sextuor «drôle»… jusqu’à la parution de Rencontre du troisième âge (2010), oeuvre toujours aussi poétique, mais également diablement sobre, voire sombre. «T’sais, ma mère venait de décéder. Je n’avais pas vraiment la tête à faire des tounes sur la pêche!», rappelle-t-il avant d’éclater de rire. «Là, tout va bien alors j’avais envie de mettre de la couleur.»
Bien que Laganière suscitera Minimiser les dégâts (2006) au cours de la jasette, Fidèles, tenaces et frères n’a du retour aux sources que l’énergie que le collectif – qui n’avait que deux ou trois poils sous le nez à l’époque – déployait sur scène et sur disque à ce moment là. Côté compositions, Laganière croit que les Goyette font davantage dans le beau mot que la blague efficace (on y reviendra). «Quand je fais de la musique, je ne me demande pas si c’est des chansons que Mario composerait. Ça vient toujours de moi», note le chanteur en précisant que l’adaptation en français de Laurie retrouvée sur la nouvelle galette tient plus de ses intérêts personnels que des lubies de son personnage. «C’est un trip que je me suis offert. Je le faisais déjà pour des amis – traduire des chansons à la Tom Waits, etc. – pour m’amuser et, celle-là, j’ai décidé de la mettre sur l’album.» Mieux encore, la reprise aura également donné le ton à l’oeuvre.
«Pas que Yannick (Lambert-Brière, arrangeur du groupe et interprète de Bob-Robert Goyette) et moi on voulait faire un album grunge, mais on voulait s’inspirer de musique qu’on aime : Wilco, Feist et compagnie.» Puis, une (rare) pause et Laganière en rajoute : «T’sais, on ne gagne pas notre vie avec ça alors on fait notre possible pour que les chansons nous plaisent, pour qu’on ait du fun à les écouter et les jouer ensuite! Eli (Bisonnette, directeur de l’étiquette Grosse Boîte) n’est jamais descendu pour nous dire “Ok, les gars! Celle-là doit faire trois minutes! On tient un hit radio!”»
Pour revenir au badinage des Goyette, Laganière assure que celui-ci se pointe naturellement; aiguillé par un amour pour les histoires pittoresques qui se retrouvent autant du côté du pan cinématographique que musical de l’artiste. Après tout, la trame narrative de son court-métrage Suivre la piste du renard (qui a été diffusé à Cannes plus tôt cette année) où deux cousins se lancent dans une traversée inspirée par Terry Fox afin d’amasser des fonds pour aider leur grand-père malade n’est pas sans rappeler la nouvelle chanson Métal au versant nord, ode ou un zig vêtu d’un blouson de cuir pour escalader l’Everest. Pourquoi? Parce que.
«Veux, veux pas, c’est toujours tiré de mon imaginaire de gars bricoleurs, courageux et un peu mal pris! Je n’essaie pas de m’éloigner de cet univers-là. Au contraire. Je l’aime bien!», fait valoir Laganière avant de se confier. «L’autre jour, j’ai pogné une entrevue avec le cinéaste Rafaël Ouellet. Il disait que plusieurs cinéastes avaient des thèmes de prédilection – Xavier Dolan, par exemple – pis c’est ben correct de même. C’est drôle, mais ça m’a soulagé! Je n’ai donc jamais cherché à séparer le cinéma de la chanson. C’est… c’est du Goyette!»
Pour revenir à Kiss, Laganière n’écarte pas un concert sans moustache, ni Goyette, histoire de miroiter ce qu’une carrière imberbe aurait réservé à Mario et ses frères d’armes. «Peut-être qu’un jour il y aura un show sans déguisements. T’sais, il nous arrive de sortir des disques pas mal en même temps que ceux de Jimmy Hunt pis toutes les filles le trouvent beau. Peut-être que la moustache, on sabote notre aura!»
Fidèles, Tenaces et frères est actuellement en vente sur étiquette de Grosse Boîte. Lancement ce soir au Marché Jean-Talon en formule 5 à 7. Détails sur lesfreresgoyette.com.