L'histoire du 1036 : Cartier général
Rap-Hip-Hop

L’histoire du 1036 : Cartier général

Le 1036. C’est un numéro de porte. C’est aussi l’appartement habité par Claude Bégin depuis qu’il a 14 ans. Un studio d’enregistrement ouvert 24/7, une maison de jeunes pour adultes aux racines hip-hop.

Ça sent la sauce à spaghetti, les champignons cuits. Et ce n’est pas parce que Claude Bégin (Accrophone, Alaclair Ensemble, Movèzerbe) et Lamine Baazi ont sorti marmite, tomates, bœuf haché, poivrons, céleris, oignons et carottes. Le 1036, c’est une série d’appartements au-dessus du Morena. La terrasse peuplée de yo-pas-couleuvres l’été, balcon qui donne sur la rue Cartier et sa faune élégante, ne se doute en rien de ce qui s’y passe. Le 1036, c’est un vortex créatif.

En 15 ans, pas moins de 26 colocs se sont succédé pour Claude Bégin qui y avait d’abord emménagé avec son père et sa sœur à la fin des années 1990. «C’est une phase dans une vie, d’habiter ici. Très souvent, les gens habitent ici au sortir d’une relation, quand ils n’ont plus d’endroit où aller.» Lamine en est, quidam arpentant les coins sombres de la scène hip-hop queb depuis des lunes. Un dude qui gravite autour de la large (et accueillante) clique mi-reggae mi-rap de CEA, Webster, Karim Ouellet et tant d’autres. «C’est pas pour alimenter le côté mythique du lieu que je vais dire ça, mais ça va avoir le même effet. Le 1036, c’est comme un séminaire artistique. Tout le monde qui a envie de s’installer en studio pour essayer des affaires et s’improviser musicien le peut. C’est comme ça que KenLo et Ogden ont commencé.» La suite de l’histoire, toute une gang de minces la connaît. En est né, ultimement, le plus populaire boys band de rigodon bas-canadien: Alaclair Ensemble.

Gang de chums

Vous avez déjà entendu Karim dire ça sur scène et si vous êtes fan, vous vous en souvenez. C’est un genre d’inside joke. Ou plutôt un leitmotiv. À ce sujet, Eman précise: «Ici, tu paies pas pour des heures de studio ou des heures dans un local. La musique au 1036 est consolidée par des liens amicaux. C’est une ambiance différente, parce que t’es à ton aise à 100%.»

«Je sais pas si tu le réalises, Claude, mais t’es vraiment généreux de nous laisser jouer avec tes instruments. L’ordi, les claviers…», enchaîne Lamine. Et Misteur Bégin de répondre que ça va de soi, que c’est juste du matériel, que ça lui fait super plaisir. Il travaille juste avec ses amis, de toute façon, et pour des projets qui le font tripper à titre de musicien. Au 1036, chaque collaboration naît d’une sincère admiration.

Et quand un artiste entre dans le crew, il est là pour rester. La loyauté en amitié, c’est pas mal le truc à Claude Bégin. D’ailleurs Eman et lui se connaissaient avant même que leur petite voix ne commence à muer, à cette époque où tous deux avaient été figurants dans un opéra mis en scène par le père de Bégin et présenté au Grand Théâtre. Leur éveil musical.

«Ferme la sécheuse, je rec’ des guits!»

Même s’il est un quasi open house en permanence, le 1036 est devenu l’arrière-scène des palmarès radios puisque Karim Ouellet y a enregistré l’intégral de ses deux albums. Cinq nominations à l’ADISQ plus tard, mais aucun trophée en main, Claude (son bras droit) revient sur le processus créatif de l’enregistrement de Plume et Fox, la success-story d’une séance d’artisanat musical, une petite victoire sur l’industrie de la musique québécoise. «C’est la première fois qu’on fait vraiment de l’argent. C’est magnifique ce qui s’est passé avec Karim. C’est une fierté, absolument. C’est la preuve que la recette de « faire ce que tu veux chez vous » peut marcher.»

Mais avaient-ils, le renard et le réalisateur, l’intention d’en faire un succès de masse? Oui, incontestablement. «Quand on a commencé à travailler sur Plume, on s’est dit « là on a l’occasion de faire un album qui marche » et on a sauté sur l’occasion.» Son passé avec Accrophone et ses collabos avec des rappeurs comme Webster pourraient faire croire le contraire, mais Claude Bégin est un grand amateur de pop. De R&B aussi, le style qu’il chante le mieux.

Mais en même temps, impossible de prévoir le succès vous dira-t-il. «Maybe Watson, je pensais que ça allait être super populaire. Son premier album est vraiment fort avec des tounes comme Toton, Les Gentils, Suzanne. Il avait aussi de super bons clips! Ça avait tout le potentiel de pogner selon moi.» Anecdote étonnante: le beat et la mélodie de L’amour de Karim Ouellet avaient déjà servi sur un remix de Peau de serpent. À écouter sur Bandcamp et ça se trouve facilement sur Google.

Son nouveau poulain? Neto Yuth. «C’est du reggae avec une instrumentation qui ne s’apparente pas au reggae et qui a beaucoup de couches. Chaque toune, c’est une session de 80 pistes. C’est le terme le plus wack, mais je vais le dire: y’a des refrains accrocheurs. Ça pourrait être très gros. Pas forcément au Québec, mais mondialement.» Histoire à suivre, donc, au printemps.