Anoushka Shankar : L'héritière magnifique
Musique

Anoushka Shankar : L’héritière magnifique

Au sommet de son art, la fille du plus célèbre sitariste au monde nous rend une rare visite alors que sort son nouveau bijou: Traces of You.

Elle a la prestance d’une reine et l’humilité d’une vraie grande dame.

Il est bientôt midi, c’est dimanche, et dans sa chambre d’hôtel américain, la géniale musicienne indienne est parfaitement disponible. «Je suis prête quand vous l’êtes!» annonce-t-elle avec assurance, un sourire dans la voix. Simple de même. Anoushka est pourtant l’authentique virtuose d’un des instruments les plus exigeants qui soient. Mais elle dément que sa tablature harmonique soit une des plus anciennes. C’est relatif… «C’est la veena  qui l’a précédé et lui, dans sa forme actuelle, évolue depuis le 13e siècle. Mais le sitar que nous connaissons aujourd’hui a environ 150 ans.»

Au(x) nom(s) de Ravi et Jyoti

À noter que celui qui a initié George Harrison a pris des gants blancs avec sa propre fille: «Mon père Ravi a été très attentif à mon intérêt pour la musique. J’ai commencé à tâter l’instrument lorsque j’avais 7 ans, mais il ne voulait pas que je sois forcée ni intimidée. Mon initiation a donc été très graduelle et nous n’avons franchi les étapes qu’à chaque fois que j’étais vraiment prête.»

Mais elle était déjà prête, dès l’adolescence, pour accompagner sur scène son papa professeur et faire plusieurs fois le tour du monde avec lui. Aujourd’hui Anoushka est belle et complètement mature; elle a 32 ans. Héritière magnifique, elle amorce aussi la tournée la plus longue de sa vie et affirme que le programme du spectacle change un peu tous les soirs. Marquée à la fois par la naissance de son fils Zubin et le décès de son père et mentor, elle créé Traces of You, son septième album solo (sorti il y a quelques jours à peine), une œuvre délicate à la fois intimiste et d’une grande force créatrice, imprégnée d’un bout à l’autre par la spiritualité.

«Il y a quelque chose d’incroyablement beau, même à travers la douleur, d’observer ainsi la fin d’une génération tout en vivant le début d’une autre», explique-t-elle avec une émotion profonde.

Les thèmes de l’absence, du cycle de la vie, de la créativité et de la violence s’entremêlent dans le nouveau répertoire. Ainsi, le titre In Jyoti’s Name porte le prénom de la jeune Indienne assassinée l’année dernière à la suite d’un viol collectif dans un bus de Delhi. «J’ai ressenti tant de colère et de frustration, j’avais absolument besoin d’exprimer ma solidarité.»

En plus de collaborer pour trois chansons de l’album avec sa demi-sœur Norah Jones (eh oui, son vrai nom est Geetali Norah Jones Shankar!), Anoushka a fait équipe avec un surdoué: Nitin Sawhney, qui n’avait jamais réalisé de disque pour personne auparavant. Ce type est un génie, ou quoi? Elle éclate de rire. «C’est un génie, je vous le confirme! Il y a tellement de choses qu’il fait trop bien; il me rend malade, des fois! Il connaît bien la musique occidentale et a travaillé avec beaucoup de musiciens indiens. Par contre, il n’a pas de formation classique, comme moi. Nous faisons des choses similaires mais différemment. Nos forces sont donc complémentaires et les chansons n’en sont que plus accessibles et surtout plus riches.»

L’artiste ne semble pas peu fière non plus de l’équipe qui l’encadre sur scène. Euphorique, elle évoque Manu Delado et deux percussionnistes de l’Inde très polyvalents. Également Danny Keane au violoncelle et aux claviers et une chanteuse londonienne, Ayanne Witter Johnson. Toute une petite famille qui va vivre de ville en ville jusqu’en mai de l’année prochaine. Mais Anoushka, qui se souvient avoir passé deux étés à Montréal lorsqu’elle était encore enfant, ne se doute visiblement pas de l’ovation que Québec lui réserve pour sa première visite officielle.