François Pérusse : Les autres, moi et moi
L’humoriste et le musicien en François Pérusse s’unissent à nouveau pour faire rigoler la galerie avec L’album du peuple – Tome 9.
«Il y a un conflit entre moi et moi!», lancera l’humoriste au cours de l’entretien en faisant référence à sa formation musicale ainsi qu’à son boulot de fantaisiste qui s’affrontent constamment avant de finalement collaborer. «D’un côté, je veux faire de la belle musique, de l’autre côté, je dois ensuite la « gâcher » avec des jokes!» Ainsi, bien que François Pérusse se soit détourné de la parodie musicale au profit de chansons humoristiques de son cru sans y perdre son public, le féru de musique – qui revient sur son passé de fan inconditionnel de jazz sur une pièce de L’album du peuple – Tome 9 en plus de s’inspirer d’un hit des ancêtres du krautrock Amon Düül II pour une autre – doit tout de même défendre sa «marque de commerce». «Des chansons sérieuses, je n’en ai pas vraiment fait, alors le tout doit s’harmoniser, autant la toune que la fantaisie!»
De l’importance de s’écœurer soi-même
À la demande de son étiquette de disques si souvent caricaturée sur les parutions précédentes, Pérusse a écourté la «pause» qu’il s’accordait entre les tomes 8 et 9 de deux ans. Considérant son emploi du temps déjà chargé avec la radio, Pérusse s’est mis au travail en janvier dernier. Après la création et l’enregistrement, s’en suivit un long mais essentiel processus de réécoute. «Je passe le tout au tamis très longtemps!», martelle-t-il, lui qui, selon ses dires, doit justement une part de son succès à la valeur de réécoute de ses productions. «Des gens me disent qu’ils écoutent mes vieux albums, qu’ils les amènent en prenant la route pendant leurs vacances, genre, et je trouve ça très flatteur. C’est pourquoi j’insiste autant sur la réécoute et pour m’assurer que la valeur est forte. Je m’impose le test: je dois m’en écœurer moi-même! J’enlève ce qui ne me satisfait plus après huit, neuf écoutes!»
Du même souffle, l’humoriste dit aussi prendre en compte les souhaits de ses fans lorsqu’il remet la main à la pâte. «Je sais que je dois ramener le gars qui magasine des trucs par téléphone ainsi que le gars de la radio communautaire. C’est maintenant des traditions, c’est le comfort food des albums.» Pérusse précisera toutefois qu’il ne veut pas s’enliser dans une routine confortable pour autant. «J’essaie aussi d’innover avec de nouveaux patterns et personnages, mais je m’assure avant tout que ce soit drôle. Je fais donc « attention » quand je sors du sentier.» Justement, en parlant de prudence…
Avoir la mèche courte
À une époque où les Québécois semblent avoir oublié ses Croc, Rock et Belles Oreilles et autres Cyniques, Pérusse s’éloigne du quotidien pour se moquer de plus en plus des politiciens, des gens d’affaires et des personnalités publiques… avec modération toutefois, compte tenu du climat social actuel et également ses propres états d’âme. «Je vous avoue aussi que je me surveille et que je me censure un peu. Étant moi-même très sensible, me faire varger dessus me ferait de la peine alors j’utilise des noms que pour rigoler. Le chef Giovanni Apollo, que j’ai parodié au cours des derniers temps à la radio, par exemple, adore ça. Il me l’a dit sur Twitter! C’est ce que je veux. Ça doit demeurer des clins d’œil. Ça doit être legit.» Plus tard, Pérusse glissera: «Même quand je faisais le Doc Mailloux, que je n’aime pas trop, trop, je m’arrangeais pour que ce soit assez respectueux pour qu’il ne soit pas trop heurté! Varger sur quelqu’un gratuitement, c’est trop facile.»
Au fil de l’entrevue, le fameux gag de Mike Ward mentionnant Cédrika Provencher sera évoqué et redirigera, au passage, le projecteur sur les Québécois. Après avoir spécifié qu’il croyait lui aussi que la blague était en fait un jab à Revenu Québec, l’homme derrière les 2 minutes du peuple indiquera qu’il avait l’impression que «Mike compatissait davantage avec le drame qu’il s’en moquait». Il ajoutera: «Je n’ai pas peur de le dire – parce que c’est aussi mon cas –, mais j’ai souvent l’impression que le peuple québécois est très susceptible. Nous sommes accueillants, gentils, généreux, bien sûr, mais nous avons aussi la mèche courte et nous sautons rapidement aux conclusions.» D’où la circonspection du principal intéressé. «Alors oui, c’est dangereux, et oui, je me check, car je ne voudrais pas vivre un moment du genre: être mal interprété et être forcé à présenter des excuses. Je serais très sensible à ça. J’en viendrais sûrement à penser quitter le métier pour m’ouvrir un stand de patates frites sur le bord de la route!»
Et finalement faire de sa chanson Snack-bar chez Raymond une réalité par la bande!