Les Chercheurs d’or : Faire danser et brailler Shirley
Les Chercheurs d’or amputent le «Isabeau et» qui précédait leur nom et tentent de se débarrasser de l’étiquette festive qui leur colle au cul avec un nouvel album homonyme. Les Shirley du monde entier devraient danser, mais aussi brailler.
Les Chercheurs d’or descendent tout juste de scène à Saint-Avertin en France quand Simon Pelletier-Gilbert, batteur, pitonne notre numéro sur son téléphone qu’il dépose au milieu de la loge, question qu’on puisse bien entendre ce que ses collègues François Gagnon (guitare) et Isabeau Valois (voix, banjo, mandoline) ont à raconter (saluons Marie-Christine Roy, violon, et Luke Dawson, contrebasse). Il s’agit déjà de leur quatrième tournée au pays de Joe Dassin, fasciné par l’américanité des musiques de racines que la bande de Québec déterre.
Mais réglons d’emblée la question du nom: pourquoi avoir amputé le «Isabeau et» qui précédait jadis votre raison sociale? «Le mot Isabeau rentrait mal sur la pochette», fait valoir François. «Il y a des gens qui nous appelaient Les Isabeau, ça me tuait», renchérit la principale concernée. Aussi simple que ça.
La formation folk/bluegrass met carte sur table en ouvrant ce nouvel album homonyme sur Belle country, frissonnante méditation existentielle aux capiteux relents charnels. Une chanson comme un lever de soleil qui aurait pu servir de trame sonore à la mythique scène d’accouplement hippique des Filles de Caleb (ceci est un compliment). «On avait pas mal de chansons lentes quand on s’est pointés en studio. C’était clair que l’album allait être à dominante introspective, explique François. On voulait que tu puisses faire play le matin quand tu te lèves. On est devenus allergiques à l’étiquette festive qu’on nous a donnée. On s’est souvent retrouvés dans des situations de festivals où les gens voulaient qu’on fasse de l’animation alors qu’on arrivait avec des chansons qui demandent une certaine écoute comme on en a toujours eu. Placer Belle country en début d’album permettait de casser ça.»
Nos prospecteurs ne sont quand même pas entrés au couvent et ouvrent la machine à quelques reprises, comme sur Allume donc la radio, adaptation du gospel Turn Your Radio On. Une swinguante ritournelle qui attirerait sans doute la Shirley de la pièce du même nom, un des nombreux personnages truculents de ce deuxième album, sur la piste de danse. Elle existe, cette attendrissante Shirley qui braille dans son verre? «Tu peux pas mal la rencontrer dans n’importe quel bar près de chez toi», blague Simon. «Je l’ai imaginée vraiment souvent, poursuit François. J’ai croisé beaucoup de gens qui se sont perdus dans l’alcool, que l’alcool a fini par abêtir. Et puis on la remarque toujours la Shirley quand on sort dans un bar, on la checke, on sait qu’au bout de deux ou trois verres elle va se mettre à crier, qu’elle va vouloir embrasser tout le monde.»
La Shirley est aussi présente en France? Isabeau: «À Calais, en août dernier, on en a eu une pas pire. Elle s’est mise à danser en malade en plein pendant la toune. Il était trois ou quatre heures de l’après-midi, mais elle était déjà chaude raide.»
Le grand Lou
Pas le choix, il fallait évoquer la mort du prince de la nuit new-yorkaise, Lou Reed, avec Les Chercheurs d’or qui avaient transformé la glauque comptine du Velvet Underground I’ll Be Your Mirror en une pastorale et implorante ballade, Je serai ton ombre, sur leur précédent album. «On avait quatre, cinq jours de congé et on en a profité pour adapter une autre chanson du Velvet Underground, One of These Days, question de rendre hommage au grand Lou, révèle au bout du fil François. On l’a jouée devant public pour la première fois ce soir. C’est une chanson assez noire, assez country, avec du yodle.»
Le nouvel album homonyme contient encore une fois quelques adaptations du répertoire folk, que le journaliste avoue à ses interlocuteurs ne pas avoir identifiées comme telles avant de consulter les crédits de pochette, lors d’une deuxième écoute. Ce qui ne manque pas de flatter dans le sens du poil les musiciens, qu’on entend sourire depuis leur côté d’océan. «Les adaptations et les compositions sont sur un même pied d’égalité chez Les Chercheurs d’or, elles sont jouées avec la même ferveur. Ça s’inscrit dans une tradition qui nous est chère que de faire vivre des chansons méconnues ou oubliées.»
«Parlant d’adaptation, ne fais pas l’erreur que d’autres journalistes font, lance, amusé, Simon. Le fameux L. Dawson dont on a adapté Tout explose, ce n’est pas une figure obscure du folk. C’est notre contrebassiste, qui avait écrit une chanson en anglais que François a transposé en français!» On note.
Les Chercheurs d’or (Disques Nomade)
Lancement le 19 novembre en formule 5 à 7 Au Cercle