Poirier / Tout égratigné : Remixez-moi
Poirier s’attaque à une partie de l’oeuvre de Robert Charlebois en compagnie d’une poignée de remixeurs.
On le sait, tenter de remixer des monuments de la chanson québécoise – ou autre – est un exercice périlleux. Plusieurs s’y sont cassés les dents. Souvenons-nous (certains préfèreront oublier!) des tentatives auprès des Piché et autre Ferland. Cela, le producteur et DJ montréalais Poirier le savait et n’a pas voulu répéter les mêmes erreurs. Ce qu’il a surtout cherché à faire est d’éviter de rester trop collé à la forme originale, ce qui signifie occulter en grande partie les paroles du chanteur populaire et se concentrer davantage sur la musique. «Charlebois est un très bon sujet à remixer car il a un volumineux catalogue dans lequel on peut piger. Il a couvert plusieurs décennie, plusieurs styles de musique et ça me convenait car je ne voulais pas donner qu’un seul ton au disque», précise Poirier, qui a eu l’idée – et le courage – de se lancer dans cette aventure qui souligne du même coup les 50 ans de carrière de Robert Charlebois.
À l’écoute des 19 titres qui composent ce Tout égratigné, on reconnait quelques extraits de chansons connues du répertoire de Robert Charlebois, mais il y en a de nombreux autres que même un fan fini aurait du mal à identifier. C’est qu’à partir d’un échantillon souvent assez court, Poirier et sa dizaine de remixeurs triés sur le volet – Boogat, Soké, Toast Dawg, Kid Koala, Capitaine Soldat… – ont tout simplement recréé une autre pièce. «Je suis allé chercher des gens que j’apprécie pour leur travail de remixage et aussi parce que je savais qu’ils donneraient tous une couleur différente selon la chanson sur laquelle ils auraient à travailler. Je leur ai proposé quelques titres, certains plus populaires mais plusieurs autres qui le sont beaucoup moins mais dans lesquels il y avait des extraits musicaux très intéressants et qui méritaient d’être échantillonnés, allongés et retravaillés. Donc au final on a des saveurs tropicales, reggae, hip-hop ou même expérimentales», souligne Poirier qui a lui aussi mis sa patte sur plusieurs titres. En fait, c’est lui qui a porté à bout de bras la quasi totalité du projet Tout égratigné. «J’ai pris en charge tout le processus créatif, j’ai dû convaincre la maison de disque et le gérant de l’artiste – et du coup l’artiste lui-même -, trouver les remixeurs, plonger dans la discographie de Charlebois afin d’identifier les morceaux qui pourraient coller plus à tel ou tel remixeur, orienter et accompagner ces derniers, faire le travail d’édition… Un gros contrat!»
Un disque tel que celui-ci, surtout quand on ne connaît pas grand chose à la culture du remix, ça peut surprendre, voire choquer celui qui fait l’objet de cette relecture une fois le travail terminé. Et on ne parle pas des fans. «Je m’attends à ce qu’une nouvelle génération découvre l’univers de Charlebois par le biais de ce disque bien plus que les fans de Charlebois ne se mettent à découvrir le mien, celui de Kid Koala ou de Toast Dawg (Payz Play), suppose Poirier. Quand à Charlebois, il l’a écouté mais pas en ma présence. Il a été agréablement surpris m’a-t-on dit, mais peut-être un peu déstabilisé. Il faut savoir que lorsqu’on a vécu avec ces chansons si longtemps, ça peut paraître étrange de voir des artistes dont on n’a jamais entendu parler se les réapproprier d’une telle manière. Je pense que ça lui en a fait gros à digérer d’un coup! Il n’a pas suivi le processus créatif de A à Z. Lui, il est arrivé à Z avec le fait accompli. Par contre, même si il n’a pas été directement impliqué, il ne faut pas oublier que toutes les bases de ces nouvelles chansons ont été créés par lui!»
Tout égratigné
(La tribu)
Disponible le 25 novembre