Productions de l'onde : Revenir en ondes
Musique

Productions de l’onde : Revenir en ondes

Des semaines après avoir fait les frais des manigances au sein du RIME de Nicolas Asselin, Edgar Bori et sa partenaire tentent de sauver les Productions de l’onde, leur maison de disque, avec une importante campagne caritative.

Pauvre Bori! Des années après avoir mis au rancart son bazar d’artiste masqué, il doit maintenant – bien malgré lui – se visser son chapeau d’homme d’affaires sur la tête alors que le label qu’il menait jusqu’en juin dernier avec sa compagne Cathie Bonnet est éclaboussé par la houle de la mésaventure RIME. Cette tournée en région dirigée par un dénommé Nicolas Asselin a finalement floué plusieurs musiciens, artisans et municipalités au passage avant de disparaître avec la cagnotte.

«Après près de 20 années à défendre et développer des artisans pas-payant-pour-les-multinationales-de-disques-entre-guillemets, mais qui fonctionnent également à l’étranger maintenant, comme Bon Débarras, Catherine Major ou Edgar Bori, on cédait une bonne partie de nos actions à des gens qui semblaient de bonne foi», résume le principal intéressé, en revenant sur la transaction avec Asselin et son collègue de l’époque, Steve Desgagnés.

«Quatre mois plus tard, on commençait à sentir qu’ils ne pourraient pas nous payer le premier versement de la balance de la vente», poursuit le chanteur et poète. «On a fait une petite enquête et on les a sommés de nous remettre la compagnie; ce qui était indiqué dans l’acte de vente.» Tout de suite, la question à 300 000 $. Pourquoi récupérer l’entreprise? «On n’a pas un chiffre d’affaires énorme, mais on en a quand même développé un. Nous sommes une boîte d’artisans qui veut continuer à aider les artistes, tout faire pour perpétuer l’avenir des Productions de l’onde, et la céder la prochaine fois à des gens plus responsables.» C’est donc en compagnie de leurs avocats – «afin de s’assurer que, peu importe les squelettes qu’on trouve dans le placard, on ne sera pas tenu responsable» – que Bori et Bonnet se sont lancés dans ce sauvetage. Ils ont repris le contrôle en octobre et n’ont pas tardé à crouler sous les os dissimulés au cours des quatre derniers mois.

À l’agenda, en ce 21 octobre…

Sur son premier album, paru en 1994, Bori chantait Maussade. Près de deux décennies plus tard, Bori l’était carrément le 21 octobre en se rendant aux bureaux des Productions de l’onde. «Le même jour: réunion avec les employés – qui ont vu les chèques des six dernières semaines rebondir –, on découvre toutes les affaires du RIME et on apprend du propriétaire des lieux qu’ils vont changer les serrures du local parce que les loyers des deux derniers mois ont aussi rebondi», se souvient Bori, d’un ton posé surprenant compte tenu de la situation. Pire encore, il en rajoute.

«Comme on ne sait plus où sont Nicolas Asselin, ni Steve Desgagnés, on vide en catastrophe le contenu du local dans des caisses.» Puis, une brève pause et, en bon conteur, il y va du punch. «C’est le lendemain qu’on découvre toute l’ampleur du dégât, dont une facture de 13 000 $ en billets de saison de hockey! En étant conservateurs, nous sommes à une dette de 375 000 $ contractée en quatre mois! Une somme qui – sur le plan légal et selon nos avocats – pourrait être descendue à 300 000 $. En 15 ans, la compagnie a été dans le rouge à ses débuts, mais ça faisait tout de même des années qu’on n’avait pas touché à notre marge de crédit!»

Bori et sa partenaire ne se laissent toutefois pas envoyer au tapis de la sorte… et reviennent plutôt à la charge avec une campagne caritative pour récupérer les 300 000 $ et rembourser les artistes et artisans floués.

Faire quelque chose de positif

Après avoir distribué un communiqué résumant la situation, le couple a eu droit à un soutien incroyable. «On a reçu plus de 300 messages!», glisse Bori au passage, avant de préciser que la démarche ne se voulait pas misérabiliste. «On ne s’est pas plaint, on n’a pas dit « Nous sommes choqués. On va les poursuivre! On va les heurter! » Ce n’est pas ça pantoute! Ça relève davantage du « OK. Qu’est-ce qu’on peut faire devant ça? » Faisons quelque chose de positif afin de s’assurer, d’abord et avant tout, que les artistes et artisans comme les techniciens, etc. soient payés.»

D’où le lancement d’une campagne en ligne sur la plateforme Kapipal. «De plus, on offrira des petits cadeaux aux gens qui veulent nous aider, histoire de peut-être leur faire découvrir nos artistes.» Bien que l’objectif soit considérable, Bori demeure positif. «J’ai bon espoir que les paliers gouvernementaux vont bonifier le montant amassé. C’est clair qu’on ne ramassera pas que 3 300 $. La campagne n’est même pas lancée que déjà des artistes qui ne font même pas 30 000 $ par année nous envoient des montants par solidarité!»

Bori est donc touché par l’attention et se lance dans la campagne à pieds joints, mais demeure désolé en ce qui concerne les projets actuellement en dormance aux Productions de l’onde. Autant ceux des autres que les siens.

Drôle de départ

«J’ai retardé le lancement du dernier volet de ma trilogie. Il était prêt. Le coffret réunissant les disques aussi. Le distributeur DEP a été assez gentil pour contacter les magasins qui en avaient pris et on a remis le lancement en mars, quand la tempête sera terminée», résume le chanteur avant de s’étendre sur le cas de ses collègues de label.

«Le groupe folk trad Bon Débarras, par exemple, devait se rendre à une vitrine musicale en Angleterre et les chèques pour les payer ont rebondi! On a donc sorti des sous de bonne foi pour les envoyer là, où ils ont fait un tabac. Marjolaine Duguay, elle, dévoile son premier disque. Quel drôle de départ cette artiste-là aurait connu si l’on s’était placé sous la Loi de la faillite! Après avoir lancé son album en septembre, le disque se serait retrouvé coincé dans des procédures judiciaires pendant deux ans au moins et elle n’aurait pu le réimprimer ou vendre le concert, etc.»

Puis, l’autre question à 300 000 $…

Finalement, lorsqu’on lui demande pourquoi le public devrait se rassembler autour de la cause des Productions de l’onde, Edgar Bori ne flanche pas. «Sans s’en vanter, disons que nous sommes des gens qui ont toujours protégé la diversité culturelle», fait-il valoir. «Dans les multinationales, il n’y a pas vraiment de place pour le développement d’artistes et ça prend cette diversité-là, surtout dans notre patrimoine francophone… bien qu’on ne rejoigne pas que les francophones.» Ainsi, l’étiquette pourrait également être considérée comme un incubateur de talents, selon le principal intéressé.

«Les Bons Débarras et Catherine Major, qui s’exportent maintenant, ont commencé chez nous parce que les grosses boîtes n’en voulaient pas avant. Beaucoup de jeunes artistes nous contactent toujours pour faire affaire avec nous d’ailleurs.» Et des gens de l’extérieur aussi, à en croire les récentes visites d’Indochine et d’Hubert-Félix Thiéfaine. Le chanteur poursuit: «De plus, on a une base solide: on fait ça depuis près de 20 ans et nous sommes en contact avec des milliers de personnes. Beaucoup de gens croient en nous, en fait!»

Est-ce que ces gens joindront la pensée à l’acte? Espérons-le!

L’équipe du Voir se joint à la campagne de Bori et des productions de l’onde! Joignez-vous à la conversation et prêtez-lui main forte avec nous!