The Seasons : !!!
Rentrée culturelle - Hiver 2014

The Seasons : !!!

The Seasons n’a pas peur du mot ambition, ni de rêver aux plus hauts sommets. Entretien avec les frères Chiasson, porte-étendard de la génération points d’exclamation.

Si vous savez quelque chose au sujet de The Seasons, c’est sans doute que ses membres sont tout jeunes, pas encore la vingtaine dans certains cas (ce qui ne cesse d’étonner une certaine presse, comme si l’histoire du rock n’était pas peuplée de jeunes hommes talentueux). Vous savez peut-être aussi que des ententes avec l’étiquette Vega Musique/Universal ainsi qu’avec l’internationale agence de booking The Agency Group promettent le quatuor qui décrivait jusqu’ici sa musique comme de l’indie-folk-pop (et qui devra donc rayer le préfixe indie) aux plus hauts sommets.

Les frères Hubert (qui, avec son teint diaphane et ses boucles noirs de jais, pourrait passer pour le fils de Jack White) et Julien Chiasson ne sont pas les jouvenceaux dévorés par l’ambition que ces impressionnantes accointances pourraient laisser présager. «Des garçons vraiment polis, vraiment adorables», que je réponds à la patronne Catherine Genest quand elle me demande pendant le temps des fêtes comment s’est déroulé mon entretien avec la paire.  

Il ne faudrait cependant surtout pas penser que les Chiasson rejettent le mot ambition. «Quelqu’un qui connaît un certain Jean Leloup m’a déjà dit qu’une de ses plus grandes qualités, c’est qu’il est sans peur. Ça m’avait marqué», se rappelle Julien (ou était-ce Hubert? Depuis notre bout du fil, difficile de les départager). «On n’a pas peur d’espérer de grandes choses, on n’a pas peur d’aller au bout de nos rêves. On est conscients qu’il y a un certain tabou autour de la notion d’ambition, mais je ne vois pas pourquoi ce serait une qualité de ne pas être ambitieux.»

Les frangins, ayant grandi dans une famille où la musique n’était pas plus présente que ça («les seuls disques que nos parents possèdent, c’est des disques de Noël»), jouent ensemble depuis un bout et partagent une admiration sans borne pour les Beatles quand Julien invite son pote Samuel Renaud à jouer de la basse au sous-sol parental. Samuel traîne la semaine suivante le batteur Rémy Bélanger à la casa Chiasson. The Seasons était né.

Génération points d’exclamation

Velvet!!!, le premier EP de sept titres signé The Seasons paru indépendamment en juin dernier (et qui reparaîtra sous peu dans un format de quatre titres réenregistrés), levait le voile sur les artisans d’un folk-pop se chauffant au même soleil sous lequel Jack Johnson se dore la couenne ainsi qu’à l’influence d’un certain classicisme sixties (l’apport des deux voix est à la source de plusieurs comparaisons avec Simon & Garfunkel). Un folk-pop estival, propre à liquéfier le plus balaise des bancs de neige, si vous permettez le cliché, et irrigué par un enthousiasme propre à la génération points d’exclamation dont sont issus les quatre jeunes hommes. Et comme tous les bons membres de la génération points d’exclamation (on reconnaît un membre de la génération points d’exclamation à sa propension à en parsemer ses courriels et ses textos), The Seasons ne pouvait pas ne pas en placer trois plutôt qu’un à la fin du titre de sa première offrande.

«Quand on est venus pour faire la pochette, on voulait donner l’impression que le titre était écrit au marqueur. Mais ce que nous proposait le graphiste n’était jamais exactement à notre goût, c’était trop logiciel. J’ai fini par prendre la pochette pour écrire par moi-même le titre dans Paint. Sauf que je trouvais qu’il manquait quelque chose, j’ai donc ajouté trois points d’exclamation. Ça fait célébration, ça fait folie.»

Éternels optimistes, The Seasons? Pas tout à fait, répond Hubert, en évoquant la ballade qui clôt la première édition du EP, Velvet Wedding, librement inspirée de la déchirante histoire de Roméo et Juliette. «Si on regarde les textes, on peut dire que nos chansons sont plutôt optimistes, oui, on choisit de voir le bon côté des choses, mais il y a quelque chose dans la vie en général qui peut être épeurant. On dit souvent que nos chansons sont un tango entre l’espoir et la peur. On essaie que l’espoir nous accompagne toujours, sauf que lorsqu’on se lance entièrement et sincèrement dans la vie, il faut accepter de danser avec une part de peur.» Ne pas avoir peur d’avoir peur? Quelque chose comme ça, oui.

La maudite machine qui ne les avalera pas 

La plus totale des harmonies règne entre les frères Chiasson, qui ne sont pas (encore?) les experts en rixes qu’ont été en leurs beaux jours les frères Davies (The Kinks) ou Gallagher (Oasis). Vous devriez les entendre se complimenter quand on leur demande de se livrer à l’exercice de décrire la voix de leur vis-à-vis. «Hubert a une voix très puissante, à la fois juvénile et pleine de maturité», dit Julien. «Celle de Julien est toute en subtilité et en spontanéité», dit Hubert. «Les deux, on aime chanter et c’était clair dès le début qu’on partagerait autant l’écriture que le spotlight. On a fait un deal Julien et moi.»

À l’aube d’une année 2014 lors de laquelle ils officieront en première partie de Bobby Bazini et de Sarah Slean en plus de faire paraître un premier album complet (prévu pour le printemps), The Seasons ne craint pas que la maudite machine ne compromette leur identité, forts du grand petit bout de chemin qu’ils ont déjà parcouru par eux-mêmes. «On en a refusé beaucoup d’offres avant d’accepter celles-là. On ne se sentait pas prêts et on voulait d’abord forger l’identité du groupe. Mais maintenant qu’elle est forgée, rien ni personne ne peut la détruire.»

Samedi 1er mars à 20h, Vieux Bureau de Poste de Saint-Romuald