Monogrenade : Voyage dans la Lune
Malgré son esthétique rétro-futuriste, Composite, le deuxième disque de Monogrenade, explore les rapports humains.
Mardi poisseux à Montréal. À quelques jours de la parution de la nouvelle création de son groupe, le chanteur et réalisateur Jean-Michel Pigeon est toujours dans sa tanière – le Studio 114 – à travailler sur des versions acoustiques de ses pièces récentes. «On peut dire que je tripe en studio, oui!», lance-t-il, tout sourire, affalé dans un fauteuil installé dans la cabine, trois années après avoir dévoilé un premier album complet – Tantale – qui aura permis à Monogrenade de se distinguer autant au Québec qu’en France.
Malgré cette percée inespérée, le chef d’orchestre dit avoir gardé la tête froide en composant Composite. «Personnellement, je suis très content de ce qu’on a fait de ce premier album, mais ça demeure « un premier album ». Ce n’est pas encore notre métier. Nous sommes encore un band émergent.»
– Vraiment? Vous vous considérez toujours comme un band émergent?
– Tant qu’on doit servir «deux œufs bacon» en même temps, je dirais que oui!
Plus tard, le compositeur avouera toutefois que certains propos ont bel et bien influencé le nouveau cru. «Comme Tantale était notre premier album, on ne s’en faisait pas avec les attentes, car il n’y en avait pas. Au deuxième, par contre, on a considéré les critiques récurrentes du premier, comme le fait que la voix n’était pas assez mise de l’avant, par exemple, mais ça n’a pas été jusqu’à influencer la composition. Je n’ai pas écrit ces chansons en me disant: « Avec ça, on va percer! »». Bien au contraire, Pigeon semble vouloir davantage se remettre en contexte plutôt que se distinguer à en juger les textes de Composite.
Entre Méliès, Jung et Euclide
À l’image de Tantale, Jean-Michel Pigeon s’est frotté à Composite en alliant archives et nouvelles compositions. «On dirait que la musique et l’esthétique rétro-futuriste-rencontre-les-rapports-humains ont pris forme en même temps», note-t-il avant de finalement se pencher sur les textes. «Lorsque j’étais à mi-chemin, une chanson en particulier m’a inspiré la thématique de l’album: Cercles et pentagones.»
Sur la quatrième piste de l’œuvre, un astronaute reconfigure son environnement à l’angle près. «Elle parle d’un conflit que j’ai eu avec quelqu’un», confie le parolier. «Cercles et pentagones. Deux formes complètement différentes… mais qui s’agencent quand même», tout comme la géométrie d’Euclide, les études de Jung et la fusée de Méliès sur Composite. «Je suis autant quelqu’un qui peut être trop sensible que pas assez, autant que je peux être rationnel. Je m’imagine donc que les choses seront comme je les envisage… et je me fais tout le temps avoir!», poursuit Pigeon, sourire en coin.
Pour le plaisir de s’obstiner…
Composite a essentiellement été échafaudé au Studio 114, fabrique à disques que Jean-Michel partage avec d’autres créateurs. «Enregistrer ici nous a permis d’expérimenter et de prendre notre temps. Comme on n’avait pas à compter les heures, on pouvait s’obstiner sur un tone de drum pendant 45 minutes!», fait-il valoir.
Deux pistes de l’œuvre – la pièce titre et Fantôme – ont été captées au studio La Frette en France, un endroit mythique qui hante toujours ces enregistrements. «Tout le monde veut enregistrer là!», s’exclame le chanteur à propos de cette séance en pleine tournée européenne. «Karkwa y est allé et Feist y a enregistré The Reminder. C’est comme une vieille maison où on retrouve une gigantesque cage d’escalier en bois. Ça fait un peu film d’horreur… sauf qu’on y retrouve plein de vieilles machines et d’instruments. L’ambiance là-bas a donc aidé!»
… et de se faire taper sur les doigts
Non content de rassembler sa meute, le chanteur et réalisateur a également recruté des collaborateurs de choix pour l’aider à enjoliver son disque: des amis, des collègues, mais aussi des artistes dont il est fan comme Pietro Amato (Bell Orchestre, The Luyas, etc.).
«J’ai toujours capoté sur les cordes! C’est l’instrument le plus touchant et le plus irremplaçable. Je peux faire beaucoup de choses sur un ordinateur, mais pas de cordes!», s’exclame-t-il en revenant sur sa relation avec les Mommies on the Run. «Quand on nous a signés et offert un budget pour l’album, j’ai pris le double et je me suis fait taper sur les doigts – ce qui m’arrive encore! –, puis j’ai été les chercher!»
Pigeon s’est également fait plaisir en invitant Marie-Pierre Arthur à se joindre à lui sur J’attends et Labyrinthes. «Je lui ai envoyé le matériel, ça lui a plu et elle est venue enregistrer ici», raconte-t-il, pas peu fier. «T’sais, j’écoute la musique de Marie-Pierre Arthur, et là, je l’avais devant moi qui chantait, les mains en l’air, sur la nôtre! C’était tripant!»
L’envie de la console
Bien que Jean-Michel est conscient qu’il devra défendre Composite sur de nombreuses scènes au fil de l’année, l’artiste semble toujours très à l’aise dans son studio.
Il faut préciser qu’en plus de composer, interpréter et réaliser Composite, Pigeon s’est aussi chargé de la prise de son. Est-ce que le bonhomme est un passionné des consoles ou est-il un peu control freak? Lorsqu’on lui pose la question, Pigeon ne bronche pas. «J’en jasais justement devant une bière avec notre batteur Mathieu récemment. Il m’a dit: « Tu n’aimerais pas ça, un moment donné, avoir un réalisateur externe qui applique sa vision à la toune? » Puis je lui ai dit que oui… mais, j’y ai pensé plus tard, et je me suis dit: « Est-ce que Monogrenade sonne comme ça parce que nous allons à fond dans le détail? »» Du même coup, l’artiste fera valoir que la réalisation est maintenant ancrée dans le processus créatif pour son groupe. «J’en profite pour faire les deux en même temps.»
Puis, une pause.
«Mais, à un moment donné, ça peut arriver que je demande de l’aide à quelqu’un si une certaine chanson ne sonne pas comme je l’envisageais. Je ne suis pas fermé à l’idée, mais, du même coup, c’est ça que je fais… et j’aime faire ça! Même qu’avoir la chance de faire davantage de direction artistique pour d’autres, je le ferais!»
Composite sera en vente chez les disquaires et en ligne dès le 4 février sur étiquette Bonsound.Album en écoute sur Voir.ca dès le 28 janvier.Lancement à Montréal le 5 février au La Tulipe. Concerts à Québec le 1er mars (au Cercle) et à Hull le 12 avril (au Petit Chicago).
À visionner : ce qui inspire Jean-Michel Pigeon
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