Montréal en lumière : Jumelages
Le Cinquième Péché n’est pas le seul restaurant à avoir choisi de sortir des sentiers battus lors de Montréal en lumière. Petit aperçu prometteur de jumelages aussi innovants qu’excitants.
Lorsque la ville de Montréal a été choisie pour thème central du festival cette année et que les chefs ont eu les coudées franches pour l’interpréter à leur manière, bon nombre d’entre eux ont choisi le côté glamour (et un peu clinquant) de personnalités montréalaises pour attirer leur public. Certains établissements ont toutefois opté pour des formules plus aventureuses, avec à la clef un jumelage de deux disciplines artistiques. Car oui, la cuisine est un art au même titre que la musique, la danse, le cinéma et les arts visuels. «Créer une assiette, c’est comme créer un beat», confirme Antonin Mousseau-Rivard, chef propriétaire du restaurant Le Contemporain et musicien de longue date qui accueillera deux soirées thématiques pendant Montréal en lumière. «Je prépare un plat comme je fais de l’échantillonnage, avec une matière première qui a déjà une valeur et que je travaille pour créer autre chose.» Pour lui, l’arrivée de nouveaux jumelages dans le cadre du festival est un grand pas dans la bonne direction. Ami depuis le secondaire avec Olivier Guénette, du groupe hip-hop postrigodon Alaclair Ensemble, dont les chansons ont souvent un titre ou des vers directement en lien avec la nourriture, il en a naturellement approché les membres pour s’emparer ensemble, le 22 février au soir, de la Rotonde du Musée d’art contemporain. «On va sortir de notre zone de confort, casser l’image sévère du Musée et présenter une soirée festive et loufoque», dit-il avant de nous expliquer comment il songe à apprêter gustativement les titres Viande de ch’val ou C.R.È.M.E. du groupe. Un avis partagé par Olivier Guénette, qui assume son côté gourmand (il a d’ailleurs pour pseudo «produit laitier») et qui avoue: «La nourriture est très évocatrice, elle donne faim. On veut arriver à la même chose avec notre musique.» Une musique qui résonnera le 22 février sous la forme d’une prestation du groupe dans les murs du Musée. Ça va swinguer la bacaisse!
Travailler la matière
Pour le chef Daniel Vézina, qui formera un duo avec la céramiste Pascale Girardin le 21 février à son restaurant Laurie Raphaël, ce jumelage allait aussi de soi. Il faut dire qu’ils collaborent depuis 10 ans, puisque l’artiste a créé plusieurs éléments de vaisselle pour lui comme pour d’autres chefs montréalais, comme Normand Laprise et Patrice Demers. Elle a donc immédiatement accepté l’invitation du chef et s’est prêtée avec lui à des préparatifs liant leurs deux disciplines. Ensemble, ils ont créé un menu sur la base de trois éléments qu’aime particulièrement Pascale Girardin: l’os à moelle, les oursins et les œufs. «Nous nous sommes rendu compte qu’ils avaient tous les trois une carapace dure à l’extérieur et une texture moelleuse en bouche», raconte Daniel Vézina. De ce jeu de matières est née l’idée de sculptures miniatures, spécialement créées par Pascale Giradin, qui serviront d’écrin à des bouchées du chef. L’art du beau et du bon en parfaite adéquation, en un sens. «Nous formons une belle synergie», confirme Daniel Vézina, qui compare la céramique à la cuisine, les deux disciplines utilisant des fouets, des rouleaux à pâte et des fours. «Pour moi, avoir une céramiste, c’est aussi important que d’avoir un poissonnier ou un fleuriste.» Nous en serons peut-être convaincus après cette expérience.