Gregory Porter : Sans fromage ajouté
Musique

Gregory Porter : Sans fromage ajouté

Gregory Porter étanche la soif des mélomanes avides de chansons sans fromage ajouté. Passons un coup de fil à cet ex-footballeur, chanteur jazz et nouveau propriétaire d’un Grammy. 

Parce qu’à Voir Québec, nous aimons jaser sport, c’est sur le terrain du récent Superbowl XLVIII que s’amorce la conversation avec Gregory Porter. «Comme je suis de la côte Ouest [il vient de la Californie], j’étais satisfait de la victoire des Seahawks de Seattle, mais l’histoire de Peyton Manning [quart-arrière des Broncos de Denver], qu’il ait été capable de revenir au jeu après sa blessure au cou, ça venait aussi me chercher.»

Pourquoi parler de ballon ovale à un chanteur jazz? Parce que Gregory Porter a un jour aspiré à courir sur le gazon de la NFL, ambition contrecarrée par une grave blessure à l’épaule qui allait hypothéquer sa florissante carrière universitaire.

Liquid Spirit, chanson-titre du troisième album de Porter, une parution estampillée Blue Note qui décrochait lors de la plus récente cérémonie des Grammy Awards le titre du Meilleur album de jazz vocal, renvoie à une sorte de potion magique (le liquid spirit), dont le public serait assoiffé. Quels en sont les ingrédients? «La chanson m’a été inspirée par de nombreuses conversations que j’ai eues avec des gens qui me demandent après les spectacles: « Où étais-tu pendant tout ce temps? Où puis-je trouver de la musique comme la tienne? J’en entends pas assez. » Les gens ont soif d’une musique qui expriment quelque chose d’humain, une musique pleine d’âme, pas lisse, qui n’est pas de la musique fromagée produite en usine. Ils veulent une musique qui les rejoint dans leur vie émotive et ils ne la trouvent pas pour un paquet de raisons que je ne saurais pas vraiment identifier. La radio, les médias? Je ne sais pas. »

Réactionnaire ennemi de la pop, Gregory Porter? Wô, n’exagérons rien. «Il y a une musique pour chaque circonstance», précise-t-il en assurant qu’il ne te déteste pas à l’occasion se brasser le bonbon sur la piste de danse d’une boîte de nuit au son d’un gros tube balaise. De nombreux remix house de sa chanson 1960 What? enflammaient d’ailleurs en 2011 les discothèques européennes. «C’est juste que parfois, on a l’impression qu’on entend un seul et même genre de musique partout.»

Chose sûre, on entend peu, voire pas du tout, de ce genre de jazz sur lequel frappe le soleil d’une connaissance intime de la soul que met au monde le souriant mastodonte, grand fan de Nat King Cole et héritier de Bill Withers. «Il y a des gens dans ma carrière qui m’ont déjà suggéré de m’en tenir à un genre musical. J’ai toujours été essentiellement un chanteur jazz, qui incorpore des éléments des musiques qu’il a écoutées en grandissant, du gospel qu’il a chanté petit. Le jazz me permet d’exprimer toute la palette des émotions que je veux exprimer. Je peux être dans la lumière et dans la noirceur, dans la colère profonde [des protest songs comme On my way to Harlem ou 1960 What?] ou dans la tristesse.»

L’élégant monsieur aimerait donc qu’on entende plus de ces refrains capables de vous retourner le ventre dont il a le secret, ou de ces chansons qu’on déteste parce qu’elles nous rappellent douloureusement le souvenir de l’autre, comme celles qu’il évoque dans la déchirante Water Under Bridges (The memories start to fade, / And sad songs that always play / You start to hate). Tu sais Gregory que ce seront bientôt tes chansons que certains évincés de l’amour détesteront, précisément parce qu’elles font apparaître dans leur tête le visage de celui ou de celle qu’ils préféreraient oublier. «C’est déjà arrivé que des spectateurs viennent me dire qu’il ne pouvait tout simplement plus écouter certaines des mes chansons. Je n’aurais pas pu être plus fier.»

 

Vendredi 21 février à 20h

Palais Montcalm  

(Spectacle remis au 19 juin)

Vous voulez y aller? Participez au concours mis en ligne sur le blogue du Palais Montcalm.

 

// Mise à jour, 27 mai à 11h: Gregory Porter a été « repêché » par Disclosure pour chanter sur ce qui promet d’être le hit dance de l’été 2015. À écouter ici.