Broken Bells : Cloches tubulaires
James Mercer de The Shins et Brian «Danger Mouse» Burton se retrouvent pour enregistrer After the Disco, un second chapitre à leur duo Broken Bells.
À l’image d’un mauvais film policier, tout semble opposer Mercer et Burton.
Le premier s’est fait connaître en menant The Shins, un groupe folk pop plutôt fleur bleue. Le second est plus éclaté et s’est tout d’abord distingué en révélant The Grey Album, une œuvre réunissant musiques du White Album des Beatles et rimes du Black Album de Jay-Z, avant de lancer le projet Gnarls Barkley et produire plusieurs disques à succès, dont le fameux El Camino des Black Keys. Mercer est père et marié depuis 2006. Burton est éternellement célibataire et s’inspire grandement de ce spleen (on y reviendra).
À défaut d’être liés par une enquête saugrenue, ces compères aux antipodes se découvrent toujours des affinités au sein de Broken Bells, un duo rock pop luxuriant qui dévoilait en 2010 une première parution homonyme célébrée par la critique. Quatre années plus tard, le tandem sort de sa tanière avec After the Disco, le nouveau chapitre de cette collaboration.
La hantise dans la machine
Joint chez lui à Portland en Oregon, quelques jours avant la parution de l’œuvre et quelques semaines avant le premier concert de la tournée mondiale, Mercer s’avouait nerveux… ce qui le rassure au plus haut point. «C’est bien. C’est cette hantise de ne pas être à la hauteur qui nous pousse, justement, à répéter beaucoup, à faire en sorte que ça ne soit justement pas le cas.»
Il faut préciser que cette nouvelle série de spectacles de Broken Bells se doit d’être réglée au quart de tour, car le duo délaisse les musiciens accompagnateurs au profit de projections 3D et de séquences programmées. «Sans entrer dans les détails, ça représente un défi – les aspects musical et visuel doivent coïncider –, en plus de nous libérer un peu. Comme ce visuel nous permet de moins nous mettre en scène devant le public, on peut se concentrer davantage sur nos chansons.» Le processus était tout autre en studio, par contre.
Textes, ruptures et rock’n’roll
«Quand on se retrouve, on a rarement du matériel prévu!», lance James, amusé. «Je crois qu’on s’attend à ce que « quelque chose » se produise en studio.» Ainsi, pas de flux de travail, ni de tâches spécifiques sont au programme lorsque Broken Bells reprend forme. «On collabore vraiment ensemble dans toutes les étapes de la création et, même à cette étape-là, on ne pense pas du tout à l’album, seulement à créer, à ouvrir les valves, à trouver des idées qui vont nous allumer, tout simplement.»
Côté textes, par contre, Broken Bells a dérogé de son modus operandi habituel. «On peut écrire chacun de notre côté pour se présenter ensuite notre matériel comme on peut se lancer des idées et voir ce qui colle», note James, expliquant la recette Broken Bells. «Il peut aussi m’arriver de m’enfermer dans la cabine d’enregistrement et d’enregistrer des mots – qui tanguent vers le flux de conscience – qui pourraient inspirer des paroles, mais aussi des mélodies. Parfois, ça peut devenir inintelligible, voire du scat! Mais bon, tout ça – ces bouts de strophes, ces mots, ces borborygmes qui nous rappellent des idées – sera récupéré et servira de point de départ.»
Pour After the Disco, le parolier derrière des tubes émouvants à la New Slang a plutôt accompagné son collaborateur dans sa rédaction. «Brian avait beaucoup d’idées. Il en avait beaucoup à dire. C’est un type qui est toujours célibataire, sa vie personnelle est donc plus mouvementée que la mienne!», explique-t-il avant de pouffer de rire. «Ainsi, pour les paroles de cet album, je l’ai aidé à écrire ses paroles plutôt que de vraiment collaborer à deux.»
Double vie
Alors que James Mercer pourrait se contenter de surfer sur le capital de The Shins, le groupe culte qu’il mène depuis 1996, l’artiste tient également à Broken Bells, car il dit trouver dans ce projet quelque chose qui lui échappait auparavant. «Ça me permet d’être… quelqu’un d’autre, disons», confie-t-il. «The Shins, c’est très sérieux et personnel. C’est un endroit où je me penche sur des choses qui m’habitent, voire avec lesquelles je lutte. Bien sûr, ce n’est pas que ça, mais ce l’est… souvent! Avec Broken Bells, c’est toujours un recommencement à zéro. Ça me permet donc de devenir quelqu’un d’autre là-dedans et… c’est tripant. Ça me permet… de me réinventer, disons!»
After the Disco est offert sur étiquette Columbia depuis le 4 février.En concert le 4 mars au Métropolis en compagnie d’Au Revoir Simone en première partie.