Nouvel album : Le majeur d’Antoine Corriveau
Avec Les ombres longues, l’auteur-compositeur-interprète folk Antoine Corriveau livre un album aussi sombre qu’assumé.
Antoine Corriveau revient de loin. Après des années de galère et d’autoproduction, l’escogriffe à la voix rauque signait finalement une entente avec un label – les Productions de l’onde – et allait momentanément mordre la poussière après une escroquerie. «Edgar Bori a ensuite repris la maison de disque en mai et voulait honorer les engagements, mais, dans les faits, c’était difficile de le faire et moi, j’étais un peu pressé de le sortir. Alors j’ai décidé de le faire par moi-même.»
Tout en échafaudant une énième campagne de financement social, il s’est remis à la recherche d’une nouvelle étiquette. Ce qui l’a mené chez Coyote Records (anciennement Abuzive Musik et demeure des Karim Ouellet et autres Klô Pelgag), qui a démontré son intérêt. «Tu sais, avec Productions de l’onde, je me disais "Yeah! J’ai enfin un label!", puis c’était comme si on me faisait "C’est pas vrai!"», lance-t-il, sourire aux lèvres, en mimant une gifle. «Je ne pensais pas en trouver un autre en si peu de temps. Je suis content.» Il faut dire que sa carte de visite – son deuxième album Les ombres longues – vaut le détour.
«Un peu comme un "fuck you!"»
Album inspiré par des ruptures dans son entourage, mais aussi par le printemps érable, Les ombres longues est sûrement la parution la plus musclée de l’artiste. «Autant musicalement que sur le plan des textes, y’avait une envie de… c’était un peu comme un "fuck you!", lance-t-il, sourire en coin. Je ne voulais pas vraiment faire des tounes sur le printemps érable en tant que tel, note-t-il par la suite, mais c’est de là que viennent les références aux cassures et brisures, ce que ça donne et ce qui vient après.»
Tout en injectant une bonne dose de rock dans son folk, Corriveau dit livrer ici une œuvre faisant fi de tout compromis. «J’assumais l’idée de faire un album qui soit comme ça et non pas un peu de ça et puis d’autres choses. Je me suis souvent fait dire que ce que je faisais pouvait être dark. Ça, c’est un peu ma réponse: "Ah. Tu penses que ce que je faisais avant pouvait être dark? Attends de voir…"», s’exclame-t-il, presque défiant, avant de noter que «ça allait aussi avec la musique que j’écoutais à l’époque. Je me rappelle, j’étais au show de Nick Cave à Montréal. J’ai réalisé qu’il était possible d’embarquer du monde dans des œuvres très sombres. T’sais, même si c’est super lourd, ça demeure super bon. Ça conserve une bonne drive. Ça ne devient pas accablant. C’est là que je me suis dit: "Ça ce fait!"»
«Dehors, il y a des pendus»
Épaulé par le réalisateur Nicolas Grou, Antoine Corriveau a couché ses Ombres longues entre mars et octobre 2013. Une période d’enregistrement essoufflante et influencée par les horaires particuliers des coconspirateurs et des musiciens accompagnateurs, mais qui aura aussi permis au duo de mieux définir la vision derrière l’œuvre. «Ça avançait lentement, mais on aimait l’idée que ça nous donnait beaucoup de recul. On réécoutait souvent ce qu’on enregistrait pour déterminer ce qui était cool et ce qui ne l’était finalement pas», explique-t-il avant d’y aller d’une autre référence à la culture pop rock pour illustrer le modus operandi: «Vu l’horaire, on a enregistré davantage en "pièces détachées" que sur le premier album qui était plus live. On a commencé avec moi et le batteur. Nicolas voulait qu’on fasse ça "Black Keys" – même si ce qu’on fait n’est pas très Black Keys! – dans le sens que si ça marche à nous deux, ça va marcher avec le reste.»
Puis, au gré des séances d’enregistrements, mais également des heures d’écoutes de musique, la vision commune allait devenir aussi nette que sombre. «On se rejoignait, on avait un langage commun pour créer ce disque. Il aimait bien l’image suivante: "Ça pourrait être un album enregistré dans les années 1920 dans une grange, et dehors il y a des pendus." Je lui ai dit: "OK. C’est cool. On se comprend!"»
Ce qui est fuckin’ compliqué
Bien que les plans soient toujours nébuleux, le chanteur et sa tribu comptent bien amener Les ombres longues sur la route. «C’est sûr qu’on veut se remettre sur la tournée, voire en faire plus. J’ai beaucoup tourné en trio avec l’album précédent. Là, l’envie, c’est de tourner en band… ce qui est fuckin’ compliqué. Ça coûte cher et ce n’est pas gagné d’avance!» Bref, une autre belle galère à venir pour Antoine Corriveau.
Les ombres longues (Coyote Records) En écoute sur voir.ca jusqu’au 10 mars.
Disponible le 11 mars
5 à 7 de lancement le 12 mars au Lion d’Or de Montréal puis le 13 au Théâtre Petit Champlain de Québec en formule 6 à 8. En concert le 15 mars à La Petite Boîte Noire de Sherbrooke.