Philippe B : Ce qu’il reste de «nous»
Trois années après le quasi-culte Variations fantômes, Philippe B propose Ornithologie, la nuit, une suite qui ne l’est pas vraiment.
En 2011, Philippe B frappait un grand coup avec Variations fantômes, un album encensé par la critique, un jalon qui allait non seulement galvaniser la réputation de Bergeron à titre d’auteur-compositeur-interprète de talent, mais aussi d’artiste particulièrement inventif, tant le défi qu’il s’était imposé – échantillonner des œuvres de musique classique au sein de ses compositions folk – avait été relevé avec brio. En revenant sur l’impact des Variations, le chanteur sourcille. «Je l’aimais beaucoup quand je l’ai terminé, mais pas plus que le précédent», tranche-t-il. «Quand je faisais des écoutes préliminaires de Variations fantômes, j’étais aussi inquiet que lors de séances semblables pour celui-là. Je pensais que ça pouvait marcher, qu’il y avait une « gimmick » intéressante, mais je n’étais pas sûr pour autant.»
«Celui-là», c’est bien évidemment Ornithologie, la nuit.
De l’importance du mystère et de la magie
L’une des conclusions tirées des réflexions de Philippe sur l’épisode des Variations, c’est de – justement – ne pas tenter de le reproduire afin de s’éviter «le syndrome du disque excellent, suivi de l’album wannabe pareil mais qui est très mauvais». Un phénomène observé maintes fois ailleurs – pensons à Room on Fire des Strokes ou encore à Congratulations de MGMT, deux disques décevants tant ils suscitaient les précédents, sans toutefois être aussi enlevants. «Ça ne marche pas comme ça. Heureusement, il y a du mystère, de la magie qui demeurent intangibles», résume-t-il.
C’est donc confiant et revigoré par l’impact de Variations fantômes que Philippe B a fait fi du «gros bon sens»… encore une fois. «Je préfère être animé par cet esprit-là que par « Je vais faire la même affaire, parce que c’est ce que public veut et c’est ce que je fais de mieux » puis me cantonner là-dedans. Je préfère me mettre en danger… sans aller dans l’extrême et faire du techno.»
Une avalanche de références sur le mont Chauve
Bien que «libéré» de la contrainte classique, Bergeron y fait tout de même référence en insérant, ici et là, des clins d’œil à des œuvres de compositeurs comme Stravinsky et Mussorgsky. De «bons petits challenges» qui, mine de rien, ont amené l’artiste – et ses chansons – sur des sentiers peu arpentés dans le folk local. «Par exemple, Une nuit sur le mont Chauve [Mussorgsky] est suscitée dans le titre de la chanson [Une nuit de la Saint-Jean sur le mont Chauve], mais aussi dans la finale avec les 12 coups de cloche. Ce n’est pas un gros emprunt, mais ça donne un effet esthétique intéressant que j’aime bien. C’est différent à chaque fois!»
Philippe B surprend également en versant dans l’album concept tant ses nouveaux textes suscitent une certaine chronologie. Ornithologie 1, par exemple, se déroule pendant l’Halloween alors que sur la pièce suivante, Biscuit chinois, on fait référence à décembre et ses fêtes et ainsi de suite. Comme si ce n’était pas assez, on y perçoit une trame narrative. «C’est devenu, de façon générale, une quête de bonheur, dans le fond. « Voici un protagoniste qui veut être heureux, qui essaie des affaires »», explique-t-il en mentionnant que le Philippe B de ces strophes, qui ne serait pas très loin de l’auteur, recherche autant cette béatitude dans la spiritualité que dans le matériel, mais surtout dans l’autre, de son apprivoisement jusqu’à sa présence. «C’est plus des pièces au « nous » qu’au « je »», lance-t-il.
Vade retro, Stephen King
Non content de se lancer une nouvelle gageure de composition, Philippe prend un risque supplémentaire en signant des strophes plus lumineuses. «Ça a l’air facile, mais chaque auteur a ses ornières et ses réflexes; prends Stephen King pis les affaires creepy, par exemple. Je me demandais si je pouvais faire de quoi de plus léger, de quoi avec plus d’humour.»
Plus tard, l’auteur-compositeur-interprète assure toutefois qu’au-delà de l’épreuve qu’il s’impose, on retrouve une évolution artistique, mais, surtout, beaucoup de sincérité. «Encore une fois, c’était une manière de me dire que je ne faisais pas la même chose… tout en faisant quelque chose qui me ressemble. Ce n’est pas comme si j’étais un type dépressif qui essayait de faire quelque chose qui était hors de moi. Tu sais, ça aussi c’est moi! Est-ce que je peux le glisser un peu plus en avant pour faire un disque sur un autre ton pour le challenge de l’écriture et pour m’éloigner du disque précédent?»
Ornithologie, la nuit
(Bonsound)
Disponible le 22 avril
Lancement avec courte prestation le même jour, dès 18h, au Lion d’Or à Montréal.
Lancement au Cercle à Québec le 10 mai à 19h,
En extra : 5 objets inspirants pour Philippe B
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