Millimetrik / Lonely Lights : Lumières sur la ville
Musique

Millimetrik / Lonely Lights : Lumières sur la ville

Le jeune vétéran des musiques électroniques Millimetrik marche seul sous les nocturnes lumières d’une ville imaginaire aux allures de mégapole asiatique dans un septième album, Lonely Lights

«Il a été pensé et conçu comme une trame sonore d’un parcours urbain. Un circuit nocturne, dans une ville inconnue, que l’on découvre lentement à travers les dix pièces musicales», annonce le communiqué de presse accompagnant le septième album de Millimetrik, Lonely Lights.

Alors Millimetrik, à quoi ressemble cette ville inconnue tout droit sortie de ta tête? «C’est plus de trente millions d’habitants, c’est très, très gros, c’est multiethnique, c’est Montréal fois dix. J’imaginais quelqu’un qui se promènerait de nuit dans une grande mégapole asiatique, Singapour, Hong Kong ou Kuala Lumpur. Évidemment, on y parle une langue qu’on ne comprend pas. C’est quelque chose d’à la fois fascinant et épeurant.» 

Une ville cousine du Tokyo des cœurs languides que filme Sofia Coppola dans Lost in Translation ou du Twin Peaks de l’inquiétante étrangeté imaginée par David Lynch. «Mon amour de Lynch n’est jamais très loin, note celui qu’on appelle Pascal Asselin. J’aime comme on a toujours envie d’embarquer dans ses histoires glauques même si on a peur.»

Non, celui qui propulse au cœur de la regrettée citadelle chinoise de Kowloon le fascinant animateur de Découverte sur la pièce d’ouverture de Lonely lights, Charles Tisseyre à Kowloon Walled City, n’a rien perdu de son sens du titre outrancièrement saugrenu. C’est néanmoins un homme changé que l’on retrouve sur ce septième album marquant un retour à ses anciennes amours après la parenthèse hip-hop Read between the rhymes, auquel avait apporté leur pierre les meilleurs MC de la province. Les titres Le temps qui passe, le temps qui meurt, le temps qui s’écrit, sur lequel le comédien Jocelyn Pelletier récite façon disque de croissance personnelle un soliloque aux entêtants relents existentiels, ainsi qu’Et si demain ne venait jamais, dessinent à eux seuls les contours d’un gars qui a vécu ce que la vie a de plus doux et de plus dur.  

«Dans la dernière année, j’ai eu un petit garçon et j’ai perdu mon père, confie-t-il. Veux veux pas, ça m’a rentré dedans solide. La pièce Adrien, c’est pour le père de ma copine, qui est aussi parti. Ce matin-là, en revenant de l’hôpital, j’ai composé la base du morceau pour lui rendre hommage.»

Il ajoute, sans que l’on ne sache plus trop s’il parle des écueils de l’existence ou de son album: «Au cours d’une promenade nocturne dans une ville, il se peut que tu te ramasses sans t’y attendre dans une ruelle pleine de containers. Il y a des lieux sombres dans une ville que la lumière n’atteint pas.»

Ne pas passer le trap à la trappe

Pascal Asselin et le journaliste derrière ce texte s’embourbent pendant quelques minutes en tentant d’identifier chacun des styles auxquels les dix pièces de Lonely Lights décochent des clins d’œil: influence house en début de parcours, un genre auquel ne s’était pas jusqu’ici frotté Millimetrik, nappes d’ambient, rythmiques UK garage. Puis éclats de rire. Est-ce bien utile d’étiqueter le moindre son?

«J’ai parfois l’impression qu’il faudrait que je change de style et de nom à chacun de mes albums, regrette le jeune vétéran. Dans le milieu des musiques électroniques, il faut toujours que tu fasses dans le nouveau et je suis contre cette idée-là. Je préfère des artistes comme Biosphere, qui s’inscrit dans le temps et qui a aujourd’hui la cinquantaine.»

Face au rouleau compresseur de la tendance par définition appelée à mourir, Millimetrik privilégie le grand malaxeur d’un esprit foisonnant à la surface de laquelle tous les genres peuvent percoler. Vision inclusive des musiques électroniques, donc. «Il y a des choses que j’aime dans le trap, mais c’est sûr qu’on va bientôt tasser le trap, et c’est ridicule», observe celui qui martèle les tambours en compagnie des stone rockeurs Les Indiens. «On finit tout le temps par tout jeter d’un style. Moi, j’aime tout garder à ma disposition.»

À qui la rue? À Millimetrik la rue!

Plutôt que de banalement convier fans et amis à un 5 à 7 de lancement, Millimetrik accapare ces jours-ci les cellules du pavillon Charles-Baillairgé du Musée national des beaux-arts du Québec, où trôneront les œuvres sur plexiglas du photographe Carl Raymond, créées spécialement pour accompagner les pièces d’Asselin.

Le compositeur phagocyte aussi une partie de la rue Saint-Joseph. Alors que les habitués du Cercle pourront plonger dans les images d’une installation vidéo, les modeurs seront invités chez Urban Outfitters à déposer l’aiguille d’une table-tournante sur une copie vinyle de Lonely Lights. Quant aux flâneurs du Café Nektar, le réseau wifi leur permettra de se glisser dans les oreilles l’album en sirotant leur latte.   

La rue Saint-Joseph, ce n’est pas encore l’Asie, mais ce le sera bientôt pour Millimetrik: l’étiquette tokyoïte AN/AY fera paraître cet automne Lonely Lights au Japon. 

Lancement de Lonely lights le 14 mai de 18h à 21h

Lonely lights: l’exposition, jusqu’au 25 mai au Musée national des beaux-arts du Québec