Stromae : Examen de mathématiques
Été 2014

Stromae : Examen de mathématiques

Quelques jours avant ses concerts au Centre Bell présentés dans le cadre des Francofolies, retour sur la création de  (racine carrée), l’album événement de Stromae.

Rejoint par Skype alors qu’il faisait toujours la promotion de (racine carrée) le maestro Paul Van Haver semblait plutôt calme, se lançant dans l’entretien allongé, son portable sur le ventre, la webcam intégrée au moniteur cadrant son visage.

 Et pourtant.

 «C’est une espèce de schizophrénie constante, mais je ne m’en plains pas», tranche-t-il en abordant son emploi du temps du moment. À peine sorti du studio, celui qu’on surnomme Stromae multipliait entrevues et coups fumants avant de finalement retourner sur scène. «Quand j’ai terminé la tournée, par exemple, c’était dur de retourner à la composition. Puis, quand j’ai terminé la composition, c’était dur de la quitter pour revenir à la promotion et au “live”. Je crois que c’est un cycle éternel. C’est ce que je viens de découvrir.»

De l’importance des mauvais calculs

Même en tentant de faire fi du champ lexical mathématique entourant , l’auteur-compositeur-interprète y revient lui-même en mentionnant les «mauvais calculs» qui l’ont mené à ce disque quasi fédérateur (outre le Voir, avouons-le, la plupart des critiques ont adoré l’œuvre). «Je crois que j’ai fait mon deuil de ce qu’on attend ou pas de moi», muse-t-il en reliant à Cheese, l’album qui l’aura tout d’abord fait connaître du grand public via le tube Alors on danse. «Après un succès comme Alors on danse et l’album Cheese, on fait un mauvais calcul et on se dit “Il faut absolument avoir un second succès”, alors qu’il faudrait juste descendre d’un cran, juste se dire qu’on va seulement faire de la musique qui — tout d’abord — te plaira à toi.»

Ainsi, bien que Stromae ajoutera ensuite «Que ça marche ou que ça marche pas, ce n’est pas ce qui va faire en sorte que tu seras heureux ou pas…», le producteur belge évite de justesse la cassette en s’exclamant «mais évidemment que ça va y contribuer!» Plus tard, il notera que malgré ses compositions dansantes à souhait, a été tout sauf une partie de plaisir.

«De la recherche, c’est du travail, c’est de la persévérance et un peu de douleur, même»

«Même si tu te dis le contraire, tu feras quand même des “mauvais calculs” en composant, poursuit Stromae. Avant même de te lancer dans quelque chose, tu te dis “C’est nul!” et comme tu n’as pas vraiment composé pendant ce moment de frénésie [en tournée], tu t’attendais à ce que ça revienne en un instant, que tu allais composer une autre chanson qui allait te toucher en claquant des doigts! C’est de la recherche, c’est du travail, c’est de la persévérance et un peu de douleur, même», muse-t-il avant de glisser, pince-sans-rire, que — bien évidemment — «il y a pire dans la vie, c’est sûr, mais il faut quand même passer par des moments plus durs que répondre à des interviews, je crois!»

Parmi les autres difficultés soulevées, Van Haver reviendra sur ses longues périodes d’écriture et de composition. «J’avais besoin d’arriver à des états d’extrême fatigue et de faim, de parfois bosser jusqu’à 24 heures pour faire tomber ces barrières et “mauvais calculs” et que — enfin — la spontanéité et le naturel sortent.»

Ainsi qu’un retour à la «musique de vieux» de son enfance.

«Une soupe qui ne fera pas trop vomir»

«Ce n’est pas une question de comment c’est revenu, mais comment ça a refait surface, comment ça a été réintégré et assumé. Ne plus faire abstraction de cette influence qui était toujours en moi, en fait; avant même que je découvre le rap et le dance, et la grande famille de l’électronique», poursuit-il en faisant référence aux musiques électro définitivement plus world de . «C’était une façon de renouer avec ce qui m’a éduqué quand j’étais plus petit, quand j’avais l’âge où je disais que c’était de la musique de vieux et chiante! Évidemment, Franko Zarro, Papa Mwemba, Cesaria Evora et toutes ces “musiques de vieux” qu’on trouve, en fait, mortelles, lorsqu’on est jeunes!»

Après avoir renoué avec ses racines, Stromae envisage maintenant d’explorer de nouvelles sonorités sur son prochain album. «J’espère ajouter de plus en plus d’ingrédients : rumba congolaise, salsa, etc.! J’espère même insérer de la musique bolivienne dans le prochain et ainsi de suite et, à la fin, que ça ressemble à une espèce de soupe qui ne fera pas trop vomir, quoi!»

Karimoutai?

Puis, finalement, quelques mots sur Karim Ouellet qui avant d’être l’artiste en première partie de ses concerts au Centre Bell est également un auteur-compositeur-interprète qu’il adore. «il y a parfois des coups de foudre musicaux comme ça qui sont — du moins, je l’espère — mutuels», confie-t-il. «J’ai écouté son single L’amour et la qualité de la production m’a surpris! L’écriture, la mélodie : c’est super bien fait, quoi! En fait, ce qui m’a surpris la première fois, c’était le personnage. Il est drôle, mais garde ses distances. On dirait qu’il est Belge!»

En concert les 17 et 18 juin au Centre Bell dans le cadre des FrancoFolies de Montréal.