First Aid Kit : Ruées vers l’or
Rencontre avec First Aid Kit, de passage à Montréal le week-end dernier juste à temps pour la sortie de leur nouvel album Stay Gold.
Stay Gold est un premier album à paraître sur un major pour First Aid Kit, mais les soeurs suédoises Johanna et Klara Söderberg préciseront rapidement que l’album a été enregistré avec Mike Mogis – producteur derrière le précédent Lion’s Roar (2012) – avant le contrat avec Sony. Si ce troisième album, qui mélange le folk au country à l’americana, sonne plus enveloppé, plus élaboré, c’est une évolution musicale toute naturelle, jurent-elles.
«On ne s’est pas dit: « Oh, ce sera sur un major, ça doit sonner plus gros! », dit Johanna, rencontrée avec sa cadette le week-end dernier alors que le groupe était de passage à Montréal. C’est toujours les chansons qui sont le point focal quand on fait un album. Je crois que c’était plus facile cette fois-ci puisqu’on était plus confiantes. Lorsqu’on écrit une pièce, on sait assez rapidement comment on veut que ça sonne en studio.»
Précarité, quand tu nous tiens
Celles qui disent être à la recherche d’authenticité avant tout dans leur création se sont inspirées d’un poème de l’Américain Robert Frost, Nothing Gold Can Stay (1923), sur la pièce-titre de Stay Gold.
Klara: Ça parle de cette idée que les choses ne durent jamais et à quel point ça peut faire peur et à quel point c’est difficile d’apprécier les choses lorsqu’on les vit et qu’on ne peut savoir comment on se sent par rapport à certaines choses que lorsqu’elles sont terminées.
Johanna: Je souhaite que pour une fois je puisse réellement apprécier ce que nous avons, que ça dure, en sachant que ça n’arrivera pas. Parce que rien ne dure jamais.
Le succès peut être dangereusement éphémère, mais le succès de First Aid Kit, lui, perdure. Depuis leurs débuts autour de 2007, Johanna et Klara ont réussi à garder le cap, à gagner des fans de façon très graduelle, tout en gardant une tête sur les épaules. Sur scène, elles sont professionnelles comme tout et, hors de la scène, elles réitèrent l’importance de créer leurs chansons et de faire les choses à leur manière.
«On a commencé à écrire des chansons pour le fun et parce qu’on aimait ça, mentionne Klara. Et puis une personne a voulu nous écouter, puis une deuxième et puis de plus en plus de gens. Ça a toujours été la musique. On ne s’est jamais dit: « Oh, que pourrait-on faire pour avoir plus de succès? » On n’a jamais compromis quoi que ce soit.»
À l’international, le nom de First Aid Kit a commencé à se propager suite à la petite bombe qu’a été leur reprise de Tiger Mountain Peasant Song de Fleet Foxes en 2008. La plus jeune des soeurs Söderberg , Klara, n’avait alors que 16 ans et Johanna, 19. Lorsqu’on leur demande si elles étaient bien entourées à l’époque, si elles avaient des mentors pour mener à bien leur jeune carrière, l’aînée répond:
«Avant notre reprise de Fleet Foxes, on jouait déjà en Suède, mais suite à cette vidéo, on avait des demandes à l’international. Les gens voulaient nous inviter à jouer et puis on a eu un label. C’était important d’avoir notre père à nos côtés. Il était musicien dans les années 1980 donc il savait quoi faire. Aussi, Karin [Dreijer Andersson] de The Knife a été une sorte de mentor pour nous. Elle était notre voisine et venait à la maison pour discuter avec nous.»
Une affaire de famille
Les jeunes femmes bénéficient encore aujourd’hui de la présence de papa Söderberg à leurs concerts, d’ailleurs: il est à la console de son en tournée. Une affaire de famille, bref.
«C’était une grosse affaire pour notre famille au début. Notre succès nous a tous pris par surprise, avoue Klara. Je ne pense pas que quiconque puisse être convaincu qu’il deviendra un musicien connu ou que ses enfants deviendront des musiciens connus. Nos parents sont un grand soutien. Notre mère nous soutient à la maison avec notre frère. Elle est une féministe hardcore! Elle est une prof de cinéma et est super cool. On l’appelle « Swedish Patti Smith »!»
À propos de Peggy Olsen
Parlant de grandes musiciennes et de féminisme…, qu’ont-elles pensé de la récente sortie de Neko Case contre le magazine Playboy?
Klara: J’ai vu ça et je me suis dit: « Elle est la meilleure »». Je ne pensais pas pouvoir aimer Neko Case davantage et puis j’ai lu ça.
Johanna: On nous appelle souvent un girls band…
K: J’étais fâchée récemment suite à la lecture d’une critique de notre album. Ce n’était pas une mauvaise critique, c’était plutôt favorable en fait, mais la critique mettat en doute notre authenticité en se basant sur le fait qu’on est de jeunes femmes photogéniques.
J: …Et on nous comparait à Jack White et Robin Pecknold de Fleet Foxes.
K: Puisque ces deux-là nous aiment bien, alors on est peut-être the real deal.
J: Mais c’était comme si on devait quand même se prouver. Si on veut être dans leur ligue, on doit prouver qu’on est à la hauteur. On n’est pas assez bonnes, disait l’article, en résumé.
K: Et c’était étrange de lire que des musiciens masculins doivent nous donner le sceau d’approbation et dire que nous sommes the real deal. Ce qu’on fait par nous-mêmes ne peut pas être assez. Et parce que nous sommes apparemment de jolies jeunes femmes.
J: C’est comme si nous, on essaie juste d’imiter les groupes folk ou les musiciens country, mais quand les gars le font, ils en font tout simplement partie. Pour les femmes, je pense qu’on doit tellement travailler plus fort pour se rendre au même niveau. On doit se prouver à la hauteur constamment. Et ça, c’est vraiment frustrant. C’était vraiment difficile quand on amorcait notre carrière, à 14, 15 ans parce que les gens ne nous prenaient pas au sérieux – ils faisaient des blagues, disaient « Oh, vous êtes les jolies filles! » – et pensaient qu’on faisait du folk parce que c’était à la mode, mais qu’on n’aimait pas vraiment ça.
K: On respire cette musique, c’est tout ce qu’on est. C’est ça qu’on fait. On a joué à Toronto et le public chantait avec nous et je me suis dit: « Oui, OK. Ils comprennent. On est ici ensemble. On est liés. »
Stay Gold est disponible dès maintenant.