BadBadNotGood au FIJM et au FEQ : Écarts de conduite
Les gentils mauvais garçons du jazz, BadBadNotGood, s’autorisent tous les écarts de conduite sur III, un premier album de compositions originales.
Le jazz nous aura rarement autant donné le tournis que sur III, troisième album de BadBadNotGood, ce trio qui depuis quelques années réenchante en se moquant de la tradition de ce genre qui menace sans cesse de crouler sous le poids de sa propre histoire. Après une pièce inaugurale d’allégeance essentiellement bop (Triangle), les Torontois regagnent 2014 sur la plutôt trap Can’t Leave the Night avant d’évoquer la mémoire (enfumée) de Chet Baker sur Differently, Still. Le jazz, musique de la liberté totale, de tous les écarts de conduite?
Il n’y a qu’un pas à franchir entre cette hypothèse et le titre de l’actuelle tournée des Torontois, Riding in Cars With Boys, clin d’œil au film du même nom mettant en vedette Drew Barrymore dans le rôle d’une mère adolescente. Comment s’appelle la traduction française de cette bluette? On vous le donne en mille: Écarts de conduite.
Alors, messieurs, vous aimez que l’on vous place dans la case jazz ou pas? Les Internets gardent la trace d’entrevues dans lesquelles vous affirmez détester la note bleue, et d’autres dans lesquelles vous dites souhaiter que vos électrisants concerts convertissent notre belle jeunesse au genre…
«Nous ne détestons certainement pas le jazz, nous adorons le jazz!», répondent collectivement par courriel Matthew Tavares (piano, claviers), Chester Hansen (basse), et Alexander Sowinski (batterie) depuis le Japon, où ils séjournaient le temps de deux concerts. «Certaines de ces entrevues ont été accordées alors que nous étions toujours à l’école de musique et nous avions exprimé quelques réserves au sujet de la manière dont est enseigné le jazz. Le jazz est la musique qui nous a d’abord réunis et nous allons toujours aimer ça. C’est juste que l’école de musique, ça peut parfois être ridiculement technique.»
Hip-hop un jour, hip-hop toujours
D’abord célébré pour ses deux premiers albums sur lesquels il ourdissait des relectures jazzifiées de classiques hip-hop (Lemonade de Gucci Mane, Electric Relaxation de A Tribe Called Quest, Flashing lights de Kanye West), BadBadNotGood balance avec III une première fournée de compositions originales. Ce qui ne veut pas dire que le trio tourne le dos au hip-hop; une collaboration avec le samouraï Ghostface Killah et l’agitateur Danny Brown (Six Degrees) atterrissait sur le Web la semaine dernière. Résultat: un des morceaux les plus balaises de Ghostface depuis un bail.
Le faiseur de beats Frank Dukes (50 Cents, Lloyd Banks) a par ailleurs supervisé l’enregistrement de III. «Frank est producteur de hip-hop depuis dix ans maintenant, et il y a quelques années, il a échantillonné Menahan Street Band [groupe brooklynois de soul et de funk]. Il a rencontré ces gars-là et s’est mis à travailler dans leur studio, à apprendre à jouer des instruments live. Nous avons ouvert un studio ensemble à Toronto. Il nous a initiés aux micros et aux instruments vintages, aux techniques d’enregistrement analogue.»
Les BadBadNotGood ne craignent-ils pas d’être mis dans une boîte et de devenir le groupe-de-jazz-pour-ceux-qui-n’aiment-pas-le-jazz comme Weather Report ou Medeski, Martin & Wood l’ont été par le passé? Réponse tout aussi clichée que sincère: «Nous ne pensons pas trop à ce genre de trucs. Nous voulons simplement faire la musique la plus honnête et créative possible.» Effaçons ce que nous écrivions plus haut: impossible de commettre un écart de conduite lorsque, comme BBNG, on se donne d’emblée toutes les permissions.
Vendredi 20 novembre à 20h au Petit Impérial de Québec
(Première partie: X-Ray Zebras)