A Tribe Called Red : Ambassadeurs bien malgré eux
Culture autochtone

A Tribe Called Red : Ambassadeurs bien malgré eux

État des lieux en compagnie du trio pow-wow-step A Tribe Called Red.

«Un changement de paradigme s’opère, en effet», notait Ian «DJ NDN» Campeau l’année dernière, lors d’une entrevue accordée à Voir dans laquelle, en plus d’aborder Nation II Nation  le deuxième album d’A Tribe Called Red –, l’artiste constatait que de moins en moins de mélomanes se réappropriaient la culture des Premières Nations au nom d’une quelconque tendance. «Par exemple, de moins en moins de personnes se pointent à nos soirées avec des peintures de guerre au visage. On doit expliquer de moins en moins souvent pourquoi c’est « mal » d’en porter. C’est un travail de longue haleine», confiait-il par la suite.

Des mois plus tard, la voix de Campeau allait résonner jusque dans les vestiaires du stade de football de Nepean en Ontario, alors qu’une campagne initiée par le beatmaker fera finalement en sorte que les équipes locales changent de nom, délaissant le sobriquet raciste Redskins au profit de l’appellation Eagles. «Devenir aussi politisés n’était pas un de nos objectifs à la base», mentionne son collègue Bear Witness, joint sur son portable quelques minutes avant de s’envoler vers le premier arrêt de leur tournée européenne. «C’est quelque chose qui s’est imposé bien malgré nous», poursuit-il en rappelant qu’A Tribe Called Red tire ses racines des Electric Pow Wow, des soirées dansantes échafaudées pour leur communauté. «À ce jour, notre tâche principale demeure mettre le party dans la place! Si notre musique peut, en plus, susciter des réflexions chez certains, tant mieux!»

Alors que la LNF et la direction des Redskins de Washington résistent toujours à des demandes semblables aux valeurs véhiculées par A Tribe Called Red, Campeau allait  subséquemment et bien malgré lui  servir une leçon d’ironie en posant avec un t-shirt où la mascotte des Indians de Cleveland  une autre équipe à l’imagerie controversée  était altérée afin de devenir le symbole des Caucasians, une organisation sportive fictive où le fameux personnage à la peau rouge était remplacé par une caricature aussi grotesque d’un blanc-bec typé, coiffé d’un dollar plutôt que d’une plume. Ce qui se voulait une satire a été interprété comme du racisme par un individu qui a été jusqu’à contacter le Wesfest  un festival qui comptait A Tribe Called Red parmi ses têtes d’affiche  afin de les aviser qu’il allait boycotter l’événement. Démarche qui aura fait bondir Campeau ainsi que plusieurs fans sur les réseaux sociaux, mais pas la direction du happening qui a conservé la formation au sein de sa programmation. «Au final, c’était soulageant qu’une seule personne ne capte pas l’intention derrière. Inutile de vous dire que tout s’est bien passé au festival par la suite!», commentera Bear.

Outre ses victoires sociales et musicales (l’année dernière, Nation II Nation s’est retrouvé sur la liste des 10 meilleurs albums canadiens selon le jury du prix Polaris puis, plus tôt cette année, la même œuvre permettait aux compères de mettre la main sur le Juno de la Révélation de l’année), A Tribe Called Red se réjouit surtout à l’idée que de plus en plus d’artistes des Premières Nations se distinguent auprès de leurs pairs, mais aussi du fameux grand public. Des années après les débuts de Buffy Sainte-Marie et de la tornade Kashtin, la musique dite aborigène gagne du terrain dans la culture populaire en plus d’être aussi suscitée dans l’électro (A Tribe Called Red) que le folk (Florent Vollant), la pop (Elisapie, Tanya Tagaq), le reggae (Shauit) et le rap (Samian). «Ce qui est bien avec ces artistes, c’est qu’ils sont aussi estimés par leur communauté que par monsieur et madame Tout-le-monde. Je crois que nous en sommes à un moment où des barrières tombent et je suis content que ces musiciens  qui font souvent référence à leurs racines et leurs pairs dans leurs chansons  soient aussi entendus. On parle quand même d’artistes issus de communautés qui ont survécu à différentes souffrances, dont des génocides! Souvent, l’art, pour eux, est une échappatoire. Ce n’est pas qu’un passe-temps amusant et mignon!»

En parlant du cinquième art, Bear Witness glisse que sa formation s’affaire à un nouvel album qui, à l’image de la récente contribution d’A Tribe Called Red au disque de la rappeuse américaine Angel Haze, sera plus collaboratif que les précédents. «Si tout va bien, ça sortira au début de l’année prochaine», conclut-il.

En spectacle gratuit le mercredi 27 août à la Place Émilie Gamelin (avec AroaA, Pierre Kwenders et DJs Masala)

atribecalledred.com