Alfa Rococo – Nos coeurs ensemble : L’amour existe encore
Céline le chantait, Justine et David l’appliquent au quotidien. Involontairement, le duo Alfa Rococo s’autorise un pied de nez à l’ère Tinder et ses amours jetables sur des lits d’électro tout sauf kitsch.
«Ni les tremblements de terre / Ni les matins de colère / Ne viennent à bout de nous deux / Ni la froideur des hivers / Ni les défaites amères / Ne viennent à bout de nous deux.» Sur Deux, qui n’a qu’un titre en commun avec le pessimiste livre de Némirosvsky, Justine Laberge et David Bussières se dépeignent comme un duo inébranlable, inconditionnellement uni.
Sur scène comme à la ville, ils font office d’exception: 15 ans de vie commune, 7 ans pour leur projet musical. Mais qu’est-ce qui les soude? Madame s’est risquée à répondre: «Ça nous tient autant à cœur à tous les deux. On s’investit autant les deux dans ce projet-là parce qu’on y croit. […] On a une passion commune. Y’a plein de monde qui l’ont toujours dit: dans un couple, faut avoir quelque chose en commun, avoir des rêves en commun. Nous, notre gros rêve c’est Alfa Rococo.»
Même s’ils se sont mariés à la fin du mois de juillet – et que la section «Sac de chips» du Journal de Montréal a cru bon nous en informer –, les heureux époux sont sortis de leur confortable cocon pour cueillir l’inspiration. Autrement écrit, ils ne sont pas trop du genre à se regarder le nombril. C’est tout le contraire, comme l’explique David: «On a vraiment voulu aborder la force de l’union et de la collectivité. Sur Chasser le malheur, c’était très négatif et c’étaient des paroles un peu individualistes. Sur Nos cœurs ensemble, on essaie de montrer que l’humanité est à son meilleur quand les gens travaillent tous ensemble pour le bonheur de la masse.» Un écho inconscient au printemps 2012 et aux manifs des carrés rouges, croit Justine.
Philosophie indie
Producteurs de leurs albums et de leurs propres spectacles, Laberge et Bussières tiennent mordicus à contrôler tous les aspects de leur carrière même s’ils peuvent compter sur le support de leur équipe de gérance R-Management et leur nouvelle compagnie de disque Coyote Records. La production des albums, la composition des chansons (une évidence) et la production de leurs spectacles figurent à leur liste de tâches.
Mais force est d’admettre que le deuxième scénario semble assez peu probable vu leurs antécédents avec les radios commerciales de la province tout entière. Ils sont chanceux depuis le début et leurs chèques de la SOCAN ont toujours été généreux à cause de leur présence accrue sur la bande FM. Aucun de leurs singles n’a été épargné par CKOI, Musique Plus, NRJ et les autres. Un privilège qui leur permet de vivre de leur art, et donc de garder leur motivation intacte.
Mais David et Justine ont vu l’industrie musicale et médiatique changer. «Moi je trouve qu’en ce moment, ça va bien dans les radios, et je suis content de le dire. Ce n’est pas parfait, mais y’a une ouverture. Récemment, Louis-Jean Cormier était, je pense, numéro 4 avec Transistor. Karim Ouellet a été numéro un pendant longtemps; Alex Nevsky aussi. C’est cool de constater ça. Ce sont de bons artistes et ce n’est pas du super bonbon comme au début des années 2000. Y’a une certaine audace maintenant, dans ce qui est francophone en tout cas.»
Auraient-ils été des pionniers? Auraient-ils ouvert des portes aux autres tricoteurs de pop issus, au départ, de la scène alternative? Ces questions restent en suspens. Une chose est sûre toutefois, selon David: «La frontière entre la pop et l’indie est plus floue qu’avant. L’année passée, à Osheaga, je trouvais ça hallucinant parce qu’il y avait, par exemple, Imagine Dragons qui a passé en tabarouette à la radio commerciale.»
Dans l’ère du temps
Même s’ils sont devenus des incontournables de la musique au Québec, les membres d’Alfa Rococo ne se contentent pas de recréer la même recette gagnante d’un album à l’autre. Ils combattent les attentes – et l’étiquette de «saveur du mois» – en consommant énormément de musique, en s’obligeant à rester dans le coup.
Depuis la sortie de Chasser le malheur en 2010, c’est surtout le premier album de Miike Snow (pour les ondes positives) et Gossamer de Passion Pit (pour ses chansons rassembleuses et presque fédératrices) qui les ont marqués. Sans dire qu’ils s’en sont inspirés, c’est là qu’ils ont trouvé des idées pour certains sons de clavier ou percussions. Des touches subtiles, certes, mais qui les aident à «sonner actuels».
// Alfa Rococo – Nos cœurs ensemble (Coyote Records) Sortie le 2 septembre;
Spectacles de lancement:Le 4 septembre à 20h à La Tulipe (Montréal); Le 16 octobre à 20h au Théâtre Petit Champlain (Québec).
*Album en écoute sur voir.ca dès le 25 août*