Envol et Macadam : Ne pas bouder son plaisir
Musique

Envol et Macadam : Ne pas bouder son plaisir

Bradley Nowell, chanteur de Sublime, s’est éteint il y a près de vingt ans, mais le resplendissant soleil de ses refrains brille toujours puissamment sur la planète musique en général, et sur les cégeps en particulier. Rome Ramirez, fan fini du mythique groupe californien depuis la petite école, garde en vie ce répertoire éternellement festif au sein de Sublime with Rome

Imaginez une chambre d’enfant aux murs couverts d’affiches de groupes, dont plusieurs représentant les espiègles tronches de beach bum de Sublime qui, dans les années 1990, faisait rayonner le puissant et salvateur soleil de leur reggae/punk/ska/hip-hop/alouette sur le morne et colérique monde du rock alternatif. Les What I gotSanteria et autre Boss D.J., festifs hymnes propres à abolir les frontières entre les genres musicaux, s’érigeraient bientôt en inéluctable trame sonore des matches de volleyball de plage de la planète et des partys de cégeps de la province de Québec. 

Mais revenons à cette chambre, dans laquelle un préado de 11 ans grattouille les accords de la première chanson qu’il sera en mesure de jouer du début à la fin. Une chanson de Sublime, comme de raison: Wrong Way. Voilà une anecdote presque banale que partagent sans doute plusieurs représentants de la génération Y. Pourquoi le guitariste et chanteur Rome Ramirez, joint chez lui en Cali, nous la raconte-t-elle avec un très audible sourire dans la voix? Parce qu’à 26 ans, Rome Ramirez chante toujours Wrong Way au sein de Sublime with Rome, sorte de Sublime 2.0 que reçoit ce week-end Envol et Macadam. 

Continuez de jammer!

Orphelins de chanteur depuis la mort par overdose d’héroïne de Bradley Nowell en 1996, le bassiste Eric Wilson et le batteur Bud Gaugh renouaient en 2009 avec le nom Sublime en compagnie du méga-fan Rome Ramirez, leur cadet de près de vingt ans, investi du difficile boulot de substitut. Ce qui n’a bien sûr pas manqué de déchirer la communauté Sublime, partagée entre les enthousiastes pour qui cette résurrection correspondait précisément à ce que Nowell aurait voulu, et les gardiens du temple qui ont hurlé au blasphème.

Est-ce que Rome, lui, s’est déjà demandé quel regard Bradley Nowell, depuis le paradis des rock stars parties trop tôt, jette sur cette incarnation de Sublime? «Oh oui, bien sûr! Je pense qu’il nous regarde d’en haut et qu’il dit: "Hell yeah, continuez de jammer! [keep on jammin, man!]"»

Les héritiers de Bradley Nowell n’étaient, eux, pas exactement du même avis et entreprenaient des procédures judiciaires afin d’empêcher l’intergénérationnel trio d’adopter le nom Sublime. Tout en précisant qu’il souhaitait entendre ses deux anciens collègues interpréter sur scène les hits coécrits par Brad, le clan Nowell estimait que des concerts de Sublime sans son chanteur original relevaient de la fausse représentation. Compromis trouvé en janvier 2010: le Sublime nouveau pourra monter sur scène sous le nom Sublime with Rome.

Sublime with Rome ne s’emploie pas qu’à faire (re)bourgeonner saison après saison un des plus ubiquitaires catalogues des années 1990; le trio larguait en 2011 Yours Truly, un agréable premier album de chansons originales plutôt bien accueilli par la critique. Bud Gaugh tirera sa révérence quelques mois plus tard (Josh Freese le remplace désormais) et se fendra en entrevue d’une ou deux déclarations vaguement amères, qualifiant d’erreur l’emploi du nom Sublime. «Il y a beaucoup d’eau qui a coulé sous les ponts, assure Rome. Bud est un bon gars, il n’entend pas à mal. Peu importe comment Eric veut baptiser le groupe, je vais le suivre. Eric, c’est un gladiateur. S’il veut baptiser le groupe Nirvana, je le suis.» Autrement dit: à quoi bon bouder son plaisir? 

Rome Ramirez, au sujet du défunt Bradley Nowell:  «Je pense qu’il nous regarde d’en haut et qu’il dit: "Hell yeah man, continuez de jammer [keep on jammin, man]".»

Le 6 septembre à 21h30 à l’occasion d’Envol et Macadam