L'instinct de Yelle
Musique

L’instinct de Yelle

Pour le troisième album de son projet électro pop, la chanteuse française Julie Budet chamboule Yelle en travaillant à l’américaine.

Mine de rien, près de 10 années après la parution du tube Je veux te voir sur MySpace, la seule constante qui demeure de cette ère colorée est : Yelle.

Le fameux réseau social a été jeté aux oubliettes, tout comme les leggings fluorescents et bon nombre d’ersatz surfant cette vague qui faisaient sensation à l’époque (même la comédienne Annie Dufresne avait tenté le coup!). Les membres de TTC, le collectif rap qui aura inspiré en partie la salve électro aigre-douce de Yelle, eux, se sont lancés dans de nouvelles aventures et collaborations depuis.

Si certains critiques voyaient en Yelle un feu de paille bien de son temps, le projet — mené par la chanteuse Julie Budet et le DJ GrandMarnier — confond les sceptiques avec une feuille de route de plus en plus enviable. En plus d’avoir trois albums à son actif, le groupe ameute autant le public francophone qu’anglophone.  

Lorsqu’on lui rappelle l’anniversaire à venir, Budet sourit. Lorsqu’on l’invite à s’interroger sur cette longévité que certains considèrent comme imprévue, l’artiste est à court de mots. Un mystère qui, mine de rien, est en phase avec le processus du projet qui la mise à l’avant-plan. «J’ai l’impression que c’est parce qu’on a toujours agi de façon sincère et passionnée», glisse-t-elle tout en indiquant qu’elle préfère suivre ses instincts que des coups calculés. Une franchise qui, selon elle, rejoint les mélomanes. «Tant qu’on continuera de le faire pour ces raisons, je crois que ça va “nourrir” le public. Si on commence à calculer ou si on continue sans en avoir l’envie, je doute que ça ait le même impact.» 

Plus tard, la chanteuse révèlera que ces mêmes pulsions font en sorte que Yelle se détache aujourd’hui de la tendance du moment dans l’industrie : mousser à outrance le moindre single produit sur les réseaux sociaux. «Aujourd’hui, avec Internet, il y a une profusion de morceaux disponibles tous les jours et je n’ai pas envie d’être dans cette surconsommation où l’essence même de la musique peut se perdre.» Puis, une pause, et Julie de pointer que : «C’est bien de se faire oublier par moments pour ensuite se faire redécouvrir. Moi, en tout cas, j’aime bien me réjouir du “retour” d’artistes que j’aime.»

Ce qui nous amène à Complètement Fou, troisième album complet de Yelle dévoilé récemment. 

Sans complexe 

«On aurait aussi pu faire un troisième album sans se poser de questions dans notre petit studio à faire nos morceaux comme on sait le faire», lance ensuite Budet avant d’ajouter, fièrement, «On s’est brusqué plutôt. On s’est dit : “Allez. Tentons de nouvelles choses! Allons voir ailleurs!” D’où cette collaboration avec Yelle et Dr Luke, producteur américain à qui l’on doit bon nombre de hits pour Katy Perry et autres dames de la pop. Ce dernier amènera avec lui un procédé jusqu’alors écarté par le camp Yelle : le processus américain. “Ici, la musique vient appuyer le propos alors que, chez lui, c’est l’inverse. On mise sur la mélodie afin de bien accrocher les gens”, explique la chanteuse. 

Non content d’avoir expérimenté avec un second modus operandi, le collectif est surtout soulagé de ne pas s’y être perdu. “Ça a été une belle découverte : nous sommes capables de changer notre façon de travailler; d’opter pour une technique qui nous apporte de nouvelles choses; dont une nouvelle lecture. Quand on écoute ces chansons, on se dit — et on nous dit aussi — que c’est nous, que c’est du Yelle, mais qui a grandi, évolué et qui s’affirme davantage, sans complexe.» 

Une ouverture qui s’entend également du côté des textes de Complètement fou où Budet se fait plus franche — voire coquine — qu’auparavant. Des propos dégourdis qui pourraient aussi être liés à l’intervention de Jérôme Echenoz — Tacteel de TTC, justement! — qui cosigne plusieurs strophes de l’album. ‘C’était drôle, car on se partageait autant le temps de travail en studio que le quotidien avec les repas, les ballades, les courses, boire un coup, etc.’, se rappelle Budet. ‘On s’est vraiment découverts. C’est devenu un ami… ce qui fait qu’il n’y avait pas de peur ni de dosage dans les textes’, conclut-elle.

En concert le 14 octobre au Théâtre Corona