Daniel Boucher / Coup de coeur francophone : Toutte éclaté
Six ans après Le soleil est sorti, Daniel Boucher enchaîne finalement avec Toutte est temporaire, une œuvre où l’artiste s’éclate autant au sens propre que figuré.
Depuis l’annonce de la parution de l’album, on parle beaucoup du «retour» de Daniel Boucher, lui qui demeurait pourtant bien présent grâce à la tournée accompagnant Le soleil est sorti et des projets comme la comédie musicale Les filles de Caleb et La vie nous arrive, série de Télé-Québec où il intervenait comme animateur, auteur et compositeur. Attelé à une table du Furco, le chanteur trace une ligne avec son doigt allant de lui jusqu’au journaliste en face. «Je n’ai pas le contrôle sur la perception des gens», laisse-t-il tomber, ne faisant pas de cas de l’étiquette qui lui est accolée. «Ça ne me dérange pas si les gens disent que c’est un « retour » ou pas. Concrètement, ça ne change rien: c’est qu’un nouveau disque!»
CD qui a bien failli ne pas l’être, d’ailleurs.
«Faire n’im-por-te quoi!»
Les bases de ce qui devint Toutte est temporaire ont donc été lancées dès 2013. «J’avais tout plein de riffs écrits, de chansons sans paroles, de textes sans musique; un paquet d’idées pas terminées», se rappelle Boucher qui glissera ensuite que c’est avec ses ébauches en mains qu’il a repris contact avec Sylvain Clavette, batteur qui l’accompagne depuis près d’une quinzaine d’années. «Je l’ai appelé et je lui ai dit: « Écoute, je loue un local. On rentre ton stock et on enregistre de la musique pour déclencher des choses ». C’était sans savoir où ça nous mènerait, sans savoir ce qui ressortirait de tout ça. Il n’était pas encore question d’album.»
En fait, Boucher se dirigeait vers une avenue rarement explorée par des artistes de sa stature au Québec.
«Le but premier de l’affaire était de rester en studio et de sortir des chansons une à une sur Internet, mais ça ne se fait pas encore très bien ici, car environ la moitié des ventes se font encore en physique. Mais c’est ce que j’aimerais finir par faire.» Au-delà de l’aspect pécuniaire de l’entreprise, l’auteur-compositeur-interprète souhaitait surtout se défaire du carcan de l’album. «L’idée était de sortir une chanson à la fois. Ça me permettait d’ouvrir ma palette [sonore]. Ça me permettait de faire n’im-por-te quoi!», s’exclame-t-il, insistant sur chaque syllabe.
Et ce «n’importe quoi», qui se traduit finalement par une volonté de s’éclater dans les deux sens du terme, s’entend sur Toutte est temporaire.
«Brasser notre propre salade» et autres plaisirs
Œuvre produite qu’à quatre mains – Boucher s’est même chargé de la basse parce que, dit-il, «je me suis mis à m’amuser là-dessus» –, Toutte est temporaire marque également un retour à l’échantillonnage pour Boucher (il a notamment inséré des sons captés en voyage sur La patente) qui glisse sur son quatrième album des bribes d’un monologue célèbre d’Yvon Deschamps, mais aussi des trouvailles saugrenues d’antan des Karrik et de Jacques Desrosiers. Bien que l’artiste s’avoue fan de DJ Shadow, Boucher révèle que le sampling s’est imposé de lui-même, au gré de ses découvertes.
«Le premier qui est arrivé, c’est Yvon. Je suis retombé sur ce sketch-là et…» Une pause, Boucher mimant un air particulièrement inspiré. «Je l’ai mis dans un logiciel audio et j’ai choisi des extraits qui m’interpellaient et je les ai fait « fitter » sur un beat.» L’extrait retrouvé sur Embarques-tu lui est venu en tête alors qu’il parcourait sa collection de disques. «J’étais chez moi en Gaspésie et j’écoutais tout bonnement des vinyles. Je suis tombé sur mon vieux disque des Karrik. Je suis tombé sur cet extrait, je l’ai découpé et je l’ai ajusté à une vitesse qui me plaisait. En 10 minutes, j’avais déjà un couplet et un refrain! Parfois, c’est plus long, mais ça a vraiment déboulé pour celle-ci!»
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Plus tard, Boucher glissera que l’échantillonnage à saveur locale n’est pas que le fruit du hasard. «C’est aussi le fun de brasser notre propre salade! C’est tripant! Je trouve ça plus satisfaisant, même! On en a du stock « samplable », des grooves le fun, nous aussi, avec lesquels on peut s’amuser.»
Message pour Paul McCartney…
Toutte est temporaire paraissant 15 années après Dix mille matins, l’album qui aura dévoilé Boucher au grand public, et une décennie après La patente, le CD suivant, la question était prévisible: quel bilan tire Daniel Boucher de sa carrière à ce jour? La réponse, elle, l’était moins: «J’espère juste que ça commence. Parce que, moi, je commence à être à l’aise là-dedans», tranche-t-il, les yeux brillants, avant de préciser que «dans mon métier, je commence. Je commence [à être à l’aise] avec l’écriture, le jeu, le chant, le studio. Je commence à rentrer dans mes bottines. Je veux juste avoir le temps d’aller encore loin avec ce que je peux faire!»
Autre chose à ajouter?
«Hey! Est-ce que quelqu’un pourrait me présenter McCartney?»
Voilà. Le message est passé.
Toutte est temporaire sera en vente dès le 11 novembre prochain sur l’étiquette Boucane bleue. Daniel Boucher sera en concert le lendemain en formule trio au Club Soda dans le cadre du Coup de cœur francophone.