Beau Dommage : Le 6760, 40 ans plus tard
Musique

Beau Dommage : Le 6760, 40 ans plus tard

À l’orée de la parution d’un coffret  réunissant les albums de leur formation culte sur vinyles, Pierre Huet, Robert Léger et Réal Desrosiers abordent leur amour pour ce support toujours en vogue en plus de révéler le secret permettant à une chanson de traverser le temps.

Si plusieurs de leurs congénères accompagnent la mise en marché d’un tel objet d’une énième tournée de retrouvailles, les membres de Beau Dommage, eux, préfèrent demeurer discrets. Il faut dire que le collectif a gardé un contact constant depuis le second arrêt de ses activités dans les années 1990. «On ne s’est jamais perdu de vue!», lance Pierre Huet, accoudé à une table d’un restaurant en compagnie de Robert Léger et Réal Desrosiers. «À peu près à tous les mois, on se croise. Parfois, on se fait des soupers en gang…» 

Et, ça se sent.

Tout au long de l’entretien, les compères s’esclaffent et se relancent alors que l’un complète les phrases et souvenirs des autres. «Ce n’est vraiment pas du “Ah mon Dieu, t’as donc bien vieilli. Ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu!”», poursuit-il. «Ce qui fait que, pour nous, c’est un peu la routine!», lance-t-il en faisant référence à la présente journée de promotion entourant Microsillons, un coffret rassemblant les sept albums originaux du groupe, 40 ans — presque jour pour jour! — après la parution d’un premier 33 tours homonyme qui allait marquer l’histoire de la chanson au Québec.

Âme de vinyle 

D’entrée de jeu, le trio réuni pour l’occasion ne bronche pas lorsqu’on aborde la mercatique de la chose. Il glissera même que, bien que le vinyle soit redevenu «tendance», c’est surtout le seul format sur lequel Beau Dommage n’a pas encore réédité des extraits de son catalogue depuis sa dissolution. Ces musiciens et mélomanes se disent toutefois davantage attachés à l’aspect «romantique» qui est imprégné dans ces sillons. «Oui, ça revient à la mode et c’est parfait — parce que ça sonne bien —, mais c’est aussi le support sur lequel nous avons tout d’abord travaillé», précise M. Huet. «Moi, j’ai gardé tous mes disques: les Beatles, les Stones, etc. J’ai une collection d’environ 5 000 vinyles et CDs. Je n’en suis pas encore à la musique dans le nuage. J’aime avoir l’objet entre mes mains… même s’il m’arrive aussi de m’acheter quelques chansons sur iTunes!» 

Robert Léger n’a plus les mêmes habitudes que son frère d’armes — il opte maintenant pour le numérique et autres services d’écoute de musique en continu —, mais il partage son attachement au vinyle qui aura souvent été le premier contact avec certaines œuvres phares. Idem pour Réal Desrosiers qui prendra à titre d’exemple les éditions américaine et britannique du fameux Rubber Soul du Fab Four qui n’ont ni le même nombre, ni le même positionnement de pièces; ce qui pouvaient influencer l’appréciation du mélomane tout dépendant de la version sur laquelle on tombait à l’époque. «Mine de rien, il y a des gens qui ont pensé à l’ordre de ces chansons-là. Faut le respecter!», s’exclame-t-il, rieur.

À la recherche de la chanson parfaite 

Parcourir l’œuvre de Beau Dommage, c’est également se faire hanter à nouveau par moult classiques qui auront marqué des générations… ne serait-ce que par leurs diffusions constantes — des décennies plus tard! — sur les radios francophones locales. 

Lorsqu’on invite le musicien, parolier, auteur et enseignant en écriture de chansons à se pencher sur les préceptes de la fameuse «toune parfaite», Robert Léger offre bien quelques indices tout en se faisant un brin mystique. «Si on savait vraiment comment y arriver, toutes nos chansons auraient traversé l’histoire et le temps», réplique-t-il, pince-sans-rire. «Il y a donc un peu de “magie” dans tout ça, mais si on analyse des chansons célèbres, on constate qu’elles sont souvent accompagnées de textes qui, des années plus tard, sont toujours vrais, touchants et rassembleurs, peu importe l’époque.» Du même souffle, le professeur précisera que les mots ne suffisent pas, bien évidemment. «Parce que des chansons, ça demeure, avant tout, des objets musicaux. La preuve: la demande pour des recueils de paroles de chansons est très faible! Ainsi, ça prend également une bonne mélodie, un groove communicatif, qui se mêle bien au texte, etc.» Il réaffirmera toutefois que «ça ne se calcule pas aussi bien que ça. C’est surtout une affaire de synchronisme qui n’est pas si évidente à reproduire!»

Pierre Huet en rajoute: «Il faut faire la différence entre être “là pour l’instant” et être “là pour toujours”. Prenons Montréal, par exemple, où on aborde l’enfance dans la ville. En l’écrivant, je me demandais ce qui était vrai pour moi, “pour l’instant”, et ce qui demeurerait vrai “pour toujours”. Je tentais donc d’éviter l’anecdotique. Mais bon, comme Robert le disait, si on savait vraiment comment les faire [ces succès], on en aurait fait tout le temps! On peut quand même tenter d’isoler ce qui est aussi vrai pour nous que pour les gens de Montréal ou encore d’Amos. Tu fais le mieux que tu peux en parlant de ta propre expérience tout en touchant du bois et en espérant que ça touche les autres!»

Tiens donc, en parlant du 514…

Montréal, d’hier à aujourd’hui…

«C’pas facile d’être amoureux à Montréal / Le ciel est bas, la terre est grise, le fleuve est sale»  

Ainsi démarre Montréal qui, 40 ans plus tard, a quand même pris quelques rides selon les principaux intéressés. 

«C’est aujourd’hui très facile de tomber amoureux à Montréal!», s’esclaffe Robert Léger. Pierre Huet, lui, note qu’il abandonnerait la mention du fleuve s’il devait signer la pièce en 2014. «D’ailleurs, on me demandait récemment si j’aurais envie d’écrire une chanson pour le 375e anniversaire de Montréal. Je dois avouer que ça me tente, mais c’est un maudit défi! Bien que les racines demeurent, c’est un tout autre Montréal — la ville est maintenant plus multiculturelle qu’à l’époque, notamment — et nommer que des noms de rues serait futile.  Mais j’aime toujours cette ville et je m’en ennuie quand je m’en éloigne!»

Un amour qui pourrait même pousser le collectif à reprendre ces instruments si la Ville allait (finalement) de l’avant avec son projet de baptiser une voie ou un espace public en l’honneur de Beau Dommage.  

Microsillons sera disponible en magasin dès le 18 novembre sur étiquette Universal.