Coyote Records : Architectes du son de 2014
Il y a eu Klô Pelgag, son prix Charles-Cros et le trophée de Révélation de l’année à l’ADISQ, l’envol (le vrai) d’Antoine Corriveau avec Les ombres longues et la popularité sans cesse grandissante de Karim Ouellet. Retour sur une année folle pour Coyote Records.
C’est l’histoire d’une petite étiquette de disques devenue majeure dans l’industrie québécoise actuelle. D’une PME qui choisit de rester à Québec, même si les grosses affaires se brassent surtout dans la métropole. D’un label qui s’est réorienté en douceur sans renier son passé.
Tout commence en 2006 alors que Rafael Perez – le fondateur de la boîte aux côtés d’un type «qui a disparu dans la brume» – se dirige vers une carrière calquée sur celle de son père dans le milieu de la gastronomie. Un choix facile qui sera éclipsé par sa passion sincère pour la musique. À ce moment-là, il partage son temps entre ses shifts au Portofino, ses gigs comme DJ avec Boogat et ses études en administration. Son objectif à moyen terme: ouvrir son resto.
Mais tout bascule lorsque Sagacité, un duo hip-hop mort depuis, l’approche pour qu’il devienne son gérant. Les choses se bousculent vite, tout s’enchaîne. Pérez devient le producteur officiel de la scène urbaine de Québec. À son catalogue, entre autres: CEA, Webster et Maybe Watson.
Sauf que le producteur a une vision et cherche l’artiste qu’il lui faut pour élargir ses horizons. Ce gars-là, ce sera Karim Ouellet, un rappeur (CEA, Movèzerbe) respecté par ses pairs qui s’adonne, au fond, à être un chanteur pop au cœur de velours. Pour reprendre les mots du directeur des communications et du développement, Stéfane Campbell, il y a eu un avant et un après Karim chez Abuzive Muzik, l’ancien nom de la compagnie. «Y’avait quelque chose là – le fait d’avoir un Africain de Québec qui fait de la pop métissée – de tellement improbable! C’était impossible qu’il n’y ait pas quelque chose à aller chercher de ça.»
Embarqué dans la grosse machine depuis deux ans maintenant, Karim se fait pas mal plus modeste: «Pour moi, c’était une évidence de travailler avec Rafael, parce que j’ai toujours voulu faire ça simple. Je me suis dit: « Je connais un gars qui a un label et qui est à côté de chez nous. Faisons ça ensemble. »»
Frencher la pop à pleine bouche
Encore basés dans la capitale du rock et du métal, et fraîchement déménagés sur la rue Saint-Joseph Est du quartier Saint-Roch, Perez et son équipe sont des spécimens rares dans la faune musicale locale. Avoir des ambitions commerciales, à Québec, peut encore être très mal perçu, comme l’explique le principal intéressé: «Y’a des groupes au talent immense et on dirait qu’ils ont peur de se faire juger s’ils font quelque chose de plus léger ou de plus accessible. Donc, ils se cantonnent dans quelque chose qui leur donne l’impression de préserver leur authenticité artistique.»
Mais le vrai nouveau créneau de Coyote Records, selon Campbell, c’est «la nouvelle chanson francophone». Une ligne directrice qui leur laisse une bonne marge de manœuvre, et dont l’utilisation du dernier mot est ouvertement stratégique. Perez détaille: «L’anglo, c’est difficile à développer au Québec à cause des quotas radio du CRTC pour le financement public et la compétition nord-américaine. […] C’est forcément plus difficile de se démarquer. Si tu veux conquérir la planète, tu te bats… contre la planète!»
Le duo Fire/Works fait donc office d’exception chez lui, et il n’est pas gêné de parler candidement d’un de ses «j’aurais donc dû» au rayon anglo. Son plus grand regret? Ne pas avoir signé The Seasons. «Ils sont venus me voir, j’ai trouvé ça super intéressant, mais leur démo me laissait sur mon appétit. Quand j’ai entendu leur album, j’ai fait « Fuck! ». Il est vraiment une coche au-dessus, leur album […] The Seasons, ça va plus loin que la musique. Y’a des personnages, le petit chanteur qui dégage tellement de charisme. C’est là que je me suis trompé… j’ai pas vu ça.»
Spécial K
Quand on les questionne au sujet de leur lien avec la maison de disques, Karim Ouellet et Klô Pelgag s’empressent de témoigner de leur sentiment d’appartenance. Ce qui rend le label hot, en ce moment et selon l’auteure-compositrice-interprète, c’est les risques qu’il prend. «Les autres font pas ça, les autres signent des trucs qui sont déjà un peu cool ou qui sont dans l’air du temps, qui sonnent comme quelque chose qui peut pogner en ce moment. J’ai l’impression que Coyote, ils signent des trucs qu’ils aiment et that’s it.»
Sorties à venir: Julie Blanche (date indéterminée) et Claude Bégin, le magicien derrière Plume et Fox de Karim Ouellet, en février. Les noms des nouvelles recrues sont cachés jalousement, parce que les contrats ne sont pas encore scellés. «Mais je peux dire que l’entreprise va prendre de l’expansion en 2015. On a de très grosses sorties pour l’automne», annonce déjà Stéfane Campbell.