Claude Bégin / Les magiciens : L'homme à tout faire de la pop
Musique

Claude Bégin / Les magiciens : L’homme à tout faire de la pop

On l’a entendu dans Accrophone puis dans Alaclair Ensemble, il a laissé une trace indélébile sur Karim Ouellet en plus d’avoir réalisé l’album solo de Maybe Watson. Mais, pour la première fois, Claude Bégin garde ses mélodies pour lui.

C’est un vrai bedroom project. Dans son appartement, de la rue Cartier à Québec, son ordinateur, le synthé, l’unique micro et la basse Schecter Diamond Series – une basse «pas rapport de vieux métalleux», pour reprendre ses mots – trônent juste à côté de son lit. Tout l’album s’est fait là, des premières notes au mixage. À la bonne franquette.

Claude Bégin ne s’en cache pas: les outils et instruments utilisés pour le disque sont, majoritairement, assez cheap. «Dans Le cœur par la tête, par exemple, le band est super efficace, mais j’ai même pas pris de drum pour le jouer. Y’a juste de la guit’ et de la basse, le reste est fait sur iPad ou Garage Band. […] À la fin, j’ai fait rejouer des lignes de violoncelle, mais ça, c’est un trip que je voulais me payer.» Privilégiant la conception artisanale au profit du perfectionnisme, il va même jusqu’à enregistrer sans écouteurs et en mono. Un contraste avec sa pop bien polie et lustrée. Son secret? La superposition de couches de son, plus de 100 pour chaque chanson. «J’ai les plus grosses sessions. Je pourrais faire cuire un œuf sur mon ordi.»

Le chanteur, compositeur, réalisateur et mixeur crée aussi de façon intuitive pour les paroles. «J’écris pas d’avance. Je prends le micro et j’improvise une ligne après l’autre, phrase par phrase. J’ai travaillé de même dans le rap pour les refrains chantés.» Un processus super rapide qui se rapproche de l’écriture automatique même si, parfois, il retravaille ensuite les strophes.

 

L’importance de Touladis

L’engouement est là, ou le «buzz», pour utiliser un énième anglicisme dans le présent texte. Et ça, c’est parce que Claude Bégin s’est bâti une réelle notoriété au fil des années en survivant notamment aux mutations de l’industrie. Révélé au début des années 2000 avec Accrophone et un rap québ bien de son temps, Claude a ensuite penché vers la gauche avec le post-rigodon d’Alaclair Ensemble et la pop métissée de Karim Ouellet.

Mais ce que peu de gens savent, c’est qu’il avait écrit la pièce Touladis trois ans avant sa sortie sur l’album triple des Bas-Canadiens. Le disque de berceuses a été écrit juste avant la naissance de son enfant (aujourd’hui âgé de 6 ans), inspiré par Iron & Wine et composé aux côtés de son ami Thomas Gagnon-Coupal. C’est là que le sultan du 1036 s’est permis d’essayer autre chose, de tremper son gros orteil dans le bassin de la chanson. «Si j’avais pas fait Touladis, je ne serais jamais allé dans le folk.» C’est aussi, en quelque sorte, son premier effort solo puisqu’il assume le vocal tout seul.

Parle-moi de Karim

Les journalistes vont lui parler de Ouellet et il est prêt, «briefé» aussi par son attaché de presse qui veille au grain pour éviter que la presse s’emballe.  «Oui ça ressemble à Karim pis la réponse non ce sera pas : « c’est normal, c’est moi qui a fait la musique à Karim pis c’est pour ça que ressemble », pis t’sais allez chier ! Pis je me suis fait dire de faire attention parce que faut pas nuire à Karim non plus en répondant ça.»

Claude a quand même ressenti quelque chose comme un pincement au cœur au lancement du deuxième album de son grand chum, quand le succès les a frappés en pleine face. «Quand Karim a sorti Fox, j’ai perdu le contrôle. J’avais l’impression d’avoir donné mon style à quelqu’un d’autre, mais de ne pas avoir de retombées. Mon album solo, c’est un sacré ego trip quand on y pense!» À ce sujet, la mélodie et le rythme de L’Amour devaient servir pour son album. «Mais j’ai dit à Karim: « On va faire ton album le plus vite possible, checke, pogne ça! » C’est la même musique que dans la musique de Peau de Serpent remix, la toune de Wats […]. Au début-début, il était vraiment amer parce que c’est devenu le hit radio qu’on connaît. Mais après, il s’est dit qu’il devait arrêter de « boguer » là-dessus.»

Malgré l’indéniable «signature Bégin» sur les pièces de Karim, le principal intéressé croit que le chanteur a lui aussi laissé une marque sur lui. «C’est clair qu’il y a des airs ou des refrains qui n’auraient pas été pareils si j’avais pas travaillé avec lui. Sa poésie m’a influencé aussi.»

Pas un musicien «normal»

Né dans une famille d’artistes, d’une mère pianiste et d’un père qui mettait en scène des opéras, Claude Bégin est toutefois un réel autodidacte. Il ne connaît pas ses accords et ne sait pas lire des partitions. Un handicap potentiel qui lui sert au final parce qu’il s’accorde davantage de liberté. «Mes musiciens me disent que c’est pas jouable, que ça prend vraiment quelqu’un qui connaît pas ses accords pour composer comme ça.» Au fait, c’est Karim Ouellet qui l’accompagne à la guitare pour ses spectacles. Un service rendu en vaut un autre, apparemment.

 

Les magiciens

(Coyote Records)

Disponible le 3 février

 

Samedi 28 février à Montréal en Lumière (Dans le cadre de la Nuit blanche)

Jeudi 16 avril au Cercle (Québec)

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