Elliot Maginot: L’apprenti
Elliot Maginot propose un premier album entre folk et rock planant, à la manière des goûts du jeune homme derrière cette douce voix.
Elliot Maginot a le syndrome du premier album. L’excitation est palpable, le désir de prendre la route est immense. Mais avant toute chose, il faut être réaliste, patient et présenter proprement tout le travail accompli.
«C’est une drôle d’expérience dans la mesure où, comme c’est un premier album, y’a beaucoup de chansons plus vieilles et même l’album, ça fait quelques mois qu’on l’a terminé, dit-il en entrevue. Je l’ai écouté beaucoup en studio pour les mix. J’ai donc la tête saturée de cet album-là. C’est pas que je suis ailleurs mais c’est un peu bizarre que ce soit nouveau alors que ce ne l’est pas du tout pour moi. J’ai vraiment hâte qu’il prenne vie.»
Ce Yound/Old/Everything.In.Between, oeuvre mélangeant des sonorités folk, pop et rock a été enregistré aux fameux Breakglass Studios par le pape des albums rock indé montréalais, Jace Lasek. «On n’a pas du tout le même genre de musique, mais on est tous les deux des fans d’ambiances assez planantes, de reverb et d’écho. Il comprenait où je voulais aller donc il m’aidait vite à concrétiser ça.»
C’est un premier disque presque entièrement en anglais pour Elliot Maginot (dont le vrai nom est Gabriel). La seule pièce chantée en français, sa langue maternelle, Le siècle bruyant, est douce, à base de piano, et propose un texte imagé qui mêle des éléments de la nature à l’espoir d’un monde meilleur. «Les barrages qui cèdent / emporteront nos peurs», y chante-t-il. Comme bon nombre des musiciens, Elliot Maginot dit chanter surtout dans la langue de Shakespeare parce qu’il écoute beaucoup de musique en anglais et qu’il désire recréer ce qu’il aime. Côté influences, justement, on croit parfois entendre dans ses pièces ses collègues de la maison de disques Indica, Half Moon Run, mais aussi Bon Iver (particulièrement sur la planante Djibril). Pas faux, selon le principal intéressé.
«Y’a des mashups d’influences. C’est sûr que c’est folk à la base parce que c’est beaucoup ça que j’écoutais à l’adolescence et au début de la vie adulte. Quand j’écris, ça part d’un squelette guitare-voix donc y’a toujours ce fond-là folk. Bon Iver, j’aime pour la voix falsetto et la manière dont il s’en est servie. J’ai été obsédé par un de ses albums. Je pense que c’est le maître de la mélancolie, de la beauté triste.»
C’est l’année dernière que les choses se sont réellement bouscoulées pour ce jeune homme calme et poli, qui a commencé par enregistrer des bribes de compositions sur son iPod il y a quelques années et qui a visionné des vidéos YouTube pour apprendre le finger-picking. Par son caractère plus discret, il a mis un temps avant de se faire des alliances musicales dans ce qu’il appelle « la clique de musiciens montréalais ». «Si tu veux rencontrer des musiciens, va voir des shows et va parler à du monde. Dans ce temps-là, c’était pas mon fort jaser au monde ben ben», explique-t-il. Puis, un soir de spectacle au Divan Orange, une rencontre importante pour Elliot: celle avec Jesse Mac Cormack. Le guitariste est une grande influence pour Elliot et l’accompagnera d’ailleurs sur scène en tournée. «Quand Jesse me dit quelque chose, je lui accorde beaucoup de crédibilité parce qu’il a du talent et il a une franchise.»
https://www.youtube.com/watch?v=d7735ABfyOs
L’avenir laisse présager beaucoup de spectacles en 2015 pour l’artiste qui jouait seul sur scène jusqu’à tout récemement, mais il est prêt à poursuivre l’apprentissage: «L’année dernière, j’ai fait beaucoup de shows. Quand t’as 2-3 shows en quelques jours, c’est là que t’apprends vraiment. Tu sais ce que t’as à corriger, ce qui t’as perturbé.»
On termine l’entrevue avec une question difficile. De nos jours, les tremplins pour les jeunes artistes sont assez énormes, si on pense à une prestation comme artiste-invité à La Voix, par exemple. Sa musique était de nature assez accessible, serait-il prêt à faire ce genre de truc? Il y a beaucoup d’hésitation dans sa réponse, mais ce qu’on retient: arrivera ce qui arrivera.
«Je sais pas. Je pense que je me ferais battre par mon équipe si je ne le faisais pas!, rigole-t-il Mais… Je comprends que c’est un milieu difficile et que tu fais ce que tu peux pour ta cause… Moi, personnellement si y’a un artiste que j’aime va là, ça changerait ma perception. (pause) Mais c’est complexe… Je ne juge aucunement les gens qui font ça, j’ai un énorme respect pour Richard Desjardins, par exemple, qui n’a jamais fait Star Académie ou La Voix. C’est un des seuls, je pense. Et y’a eu le fameux épisode de son Félix. Je sais pas. C’est une question complexe. Ça dépend comment c’est fait aussi. Si t’as carte blanche pour la manière dont tu te présentes et tu joues la toune… À voir, mon idée n’est pas faite.»
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Yound/Old/Everything.In.Between (Indica), disponible le 10 février // Spectacle de lancement montréalais le 10 février à 19h au National; En spectacle à Québec le 26 mars au Cercle
Pour plus de dates: elliotmaginot.com