Marie-Pierre Arthur : On jase de toi
Marie-Pierre Arthur revient avec un troisième album, Si l’aurore, en évaluant les comportements des couples autour d’elle sur fond de soul-prog kitsch bien assumé.
Il y a un moment sublime sur Si l’aurore, le troisième disque de Marie-Pierre Arthur réalisé une fois de plus par son conjoint François Lafontaine. Au beau milieu de la pièce Comme avant, Yannick Rieu y va d’un solo de saxophone bien senti. C’est un moment euphorique diablement efficace. Et pour le côté kitsch de la chose, c’est totalement assumé.
«Yannick Rieu! C’est la fin du monde, ce gars-là!, lance la chanteuse et musicienne. On est allés le voir en spectacle et on s’est dit: « C’est sûr que ça va être débile ». Tout ce que je veux, moi, c’est que la personne qui joue s’exprime de toutes ses forces. Quand tu fais un solo, tu veux sentir le gros, gros guts de quelqu’un, et Yannick est pluggé sur je sais pas quoi!»
Au Studio de l’Est qui appartient à François et où se déroule l’entrevue, l’endroit est parsemé de claviers et de synthés. Ce nouveau disque, d’ailleurs, que Marie-Pierre décrit comme une œuvre plus soft, kitsch mais sexy, avec des teintes de disco, de soul et de prog, est beaucoup plus un trip de synthés que le trip de guitares qu’a été Aux alentours, son deuxième effort.
«Le piano, c’est un CP-80, un son qui existait dans les années 1980 sur beaucoup de ballades. Et quand on entend ça, ça nous ramène direct à des tounes de ce temps-là. Quand le fou rire est passé et que tu te dis « ayoye, c’est débile! » – et que forcément on niaise en jouant des tounes de notre enfance –, on s’habitue et on tripe ben raide. On se demande pourquoi, dans le fond, on abandonne des affaires dans la vie. C’est comme la mode, n’importe quoi. Pourquoi faut-il arrêter, recommencer, arrêter des affaires? C’est donc ben le fun d’avoir accès à tout ça! Le fun est dans tout si tu t’y mets et que t’essaies d’être créatif avec ça.»
Discutons
Les 10 textes de Si l’aurore, Marie-Pierre les a tous écrits à quatre mains avec Gaële, qui a aussi grandement collaboré aux textes des deux précédents albums. «Quand on est avec une grande chum et qu’on sait qu’on a la journée ensemble, c’est sûr que ça jase longtemps avant de commencer à travailler!», rigole la chanteuse. Mais mine de rien, il y a une efficacité à prendre son temps, à ainsi mêler la vraie vie au travail. À travers de longues discussions assez personnelles sur leur entourage, sur des brisures de couple, sur des questionnements par rapport à la vie de famille, elles ont réussi à pondre plusieurs textes où on est dans la peau des personnes affectées par la dérive d’un couple.
«Je me suis promenée dans toutes les zones de ça, parce que c’est beaucoup ce qui s’est passé autour de moi en 2014. On est à l’âge où on commence à être des vieux couples! C’est le début de ça dans nos vies. « Ok, on a fait ce qu’on avait à faire, on a eu des enfants. What’s next? » C’est tough. On le vit et on regarde les autres qui passent à certains actes et c’est quand même très intense d’être au milieu de ça…»
Peser su’l gaz
La musique, créative et inventive, dans l’œuvre de Marie-Pierre Arthur a toujours servi à «lifter» les paroles, expliquera la principale intéressée. Si les textes versent en majorité vers quelque chose de plus sentimental, le résultat n’en est pas pour le moins lourd puisqu’il est soutenu par une lumineuse énergie.
Côté concert, d’ailleurs, c’est l’énergie incarnée sur scène. Marie-Pierre a d’excellents musiciens et de fidèles collaborateurs qui ont toujours cette envie de «peser su’l gaz», comme elle le dit si bien. Aujourd’hui, après six ans en solo et de nombreuses autres années à accompagner Ariane Moffatt et compagnie sur scène, Marie-Pierre dit trouver ses repères assez vite en tournée. Et elle prend bien sa place.
«Y a quelque chose là-dedans pour moi qui n’est pas mystique, surtout de la façon dont je le fais… C’est pas Madonna! C’est dans l’échange et dans l’authenticité, dans la musicalité. Dans l’échange, je veux que les gens sentent qu’il y a quelque chose de chaleureux envers eux qui se passe. C’est vraiment ça qui m’importe. Je suis exigeante envers les gars, je veux qu’ils shootent beaucoup au monde. C’est important que les gens se sentent invités dans notre spectacle, qu’ils sentent pas que les gars se donnent tout à eux et qu’ils se foutent de ce qui se passe en avant. Je sais ce que je veux de mon monde!»
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Si l’aurore (Simone Records), disponible le 17 février // Lancement le 16 février à 17h au Cabaret La Tulipe // En spectacle à Montréal le jeudi 26 février à 20h au Club Soda dans le cadre de Montréal en lumière // Québec: le vendredi 27 février à 20h à Impérial Bell (Triple plateau avec Fire/Works et Antoine Corriveau dans le cadre des Nuits FEQ)