Chrysalides / Montréal en lumière : Queen KA: Le vertige du papillon
Musique

Chrysalides / Montréal en lumière : Queen KA: Le vertige du papillon

Queen KA brave le «vertige de la fragilité de la vie» dans Chrysalides.

Sept ans. C’est, dit-on, le temps que met le corps à régénérer chacun des cellules qui le compose. Sept ans, c’est aussi l’âge qu’a Queen KA, royal alter ego scénique d’Elkhana Talbi. Il y a sept ans, la comédienne s’imaginait sur les planches des grands théâtres montréalais à dire des répliques écrites par d’autres, mais jamais de la vie seule, à faire retentir des pages choisies de son journal intime dans ce grand confessionnal qu’était alors devenue la scène slam. «J’écrivais en cachette, parce que j’avais mal», se souvient-elle. «Mes amis m’ont forcé à partager ça en public.»

Sept ans plus tard, la douleur domptée et l’horizon plus lumineux, elle est toujours sur scène, et en ce samedi après-midi, c’est la notion de passage qui happe notre jasette avec la rieuse verbomotrice. «On change complètement à chaque cycle de sept années, oui, mais pour moi, la finitude signifie aussi que quelque chose d’autre commence. Ça veut dire dans mon cas que la dérive de la fin vingtaine est bel et bien terminée, que je sais ce que je veux dans la vie et, surtout, que je sais que l’écriture va toujours en faire partie.»

Ce qui commence ces jours-ci se nomme Chrysalides, troisième spectacle de Queen KA qui, justement, s’applique à examiner et à raconter ce moment précis où les choses se transforment. Quelques-uns des plus beaux textes des Éclats dépareillés, la version augmentée parue en juin dernier de son album Les éclats, révélaient déjà une poète de plus en plus hantée par l’idée de la mort (plus particulièrement sur Tabarka et La chute, des pièces qu’elle interprète dans Chrysalides). Sa majesté avait beaucoup jusque-là contemplé de son œil grave l’état du monde et de ses déshérités; elle grattait maintenant à l’intérieur d’elle-même, regardait ses angoisses dans le blanc des yeux.

«Tabarka parle de la mort d’un ami très proche, qui est arrivé il y a trois ans. Je n’ai jamais pu aller voir sa tombe, on s’était perdus de vue avant qu’il parte. J’ai depuis l’impression qu’il est tout le temps là. Il est comme parti sans être parti. Il y a quelque chose qui m’obsède là-dedans.» Un doux silence monopolise un instant la conversation. C’est samedi après-midi, nous avons du temps pour le silence.

«On a aussi perdu Vickie Gendreau, une amie proche à mon chum, de manière très abrupte, poursuit-elle. La mort, ce n’est plus juste ma mère qui m’annonce qu’un grand-oncle de 80 ans est au ciel. C’est au coeur de nos vies maintenant. Man, c’est juste là. Ne pas en parler, c’est être dans un déni profond. En parler, ça me rassure.»

Un band de poésie

Queen KA est d’abord arrivée à l’écriture par la porte de ce qu’on a appelé, pour le meilleur et pour le pire, le slam. Ceci n’est pas du slam, proclamerait-elle en 2011. C’était le titre de son deuxième spectacle. Il fallait s’arracher à cette étiquette qui, comme toutes les étiquettes, finit par étouffer. Sept ans après le buzz, deux bonnes nouvelles: 1. le mot a pris un congé bien mérité du vocabulaire médiatique; et 2. les artistes qui ont incarné cette effervescence – Ivy, David Goudreault, Mathieu Lippé et Queen KA – brandissent toujours le micro.

«Je me souviens que sur le poster de mon premier spectacle, DÉLÎRÏÜM, on avait écrit que c’était un show poético-musico-théâtral. Tsé, quelque chos de super vendeur!, ironise-t-elle. On ne savait pas quel mot employer. Alors quand le mot slam est arrivé, on l’a collectivement surutilisé. Ils permettaient aux gens de comprendre rapidement de quoi il s’agissait. Puis le slam est devenu un genre, qui ne correspond pas exactement à ce que je fais, même si l’intérêt que ça a suscité a été pour moi une grosse ride d’ascenseur. J’ai monté dix étages en cinq secondes.»

Alors, comment on le décrit, ce Chrysalides, que met en scène Yann Perreau? «Mon chum dit que c’est le spectacle d’un band de poésie!»

Band de poésie? Oui, ça le fait. N’est-ce pas ses musiciens, Blaise Borboën-Léonard et Stéphane Leclerc, qui retiennent le fil de soie au bout duquel sur scène, la cascadeuse du verbe s’élance, comme on saute en bungee?

«La fragilité de la vie suppose un vertige, conclut Queen KA. Mais il y a une beauté dans ce vertige, dans le fait de savoir qu’on ne tient pas à grand-chose. On va tous vers une fin, so have a good time while you’re here

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Chrysalides 

Les 26 et 27 février à 20h

Au Théâtre de Quat’Sous

À l’occasion de Montréal en lumière

montrealenlumiere.com // queenka.ca